Comment se crée la monnaie ?

La composante monétaire a son rôle à jouer dans la crise actuelle, notamment la question de sa création.

Se fier à son Intuition peut nous tromper, du moins pour les mécanismes à l’œuvre de nos jours : la monnaie n’est quasiment pas du ressort de l’État mais est créée par les banques privées. Puis détruite. C’est une masse fluctuante dont la circulation profite au commerce.

Retournons auprès des orfèvres du dix-septième siècle. (voir Combien vaut la monnaie ?)

La monnaie qui vient du vide

Les orfèvres équipés de solides coffres forts hébergeaient les biens des riches commerçants, les reconnaissances de dette délivrées en échange constituant la monnaie.

En ces périodes de fort développement économique ce stock de richesses servit naturellement de ressources pour les projets nouveaux. Et tout aussi naturellement ce ne sont pas des lingots d’or qui furent prêtés mais les billets porteurs de créances tellement plus pratiques lors des échanges.

Tant que la parité entre le total des montants inscrits sur les créances et les stocks était maintenue, il n’y avait pas de création monétaire. Mais il n’échappa pas aux orfèvres que le niveau de leurs réserves d’or ne descendait jamais sous un certain seuil. La probabilité pour que tous les créanciers présentent simultanément leurs billets pour récupérer leur métal précieux était très faible. Imprimer plus de billets que ne le permet le sous-jacent en or ne présentait que peu de risque.

Dès lors, il y a création monétaire à partir du vide. Les emprunteurs reçoivent des billets reconnaissance de dette face auxquels nul équivalent en or n’est affecté. La monnaie générée par un jeu d’écritures ne vivra que le temps du prêt. Le remboursement de la dette la détruit, mais entre temps la monnaie circule et alimente les échanges.

Un emprunteur qui construit de nouveaux locaux commerciaux règle son dû auprès de l’artisan maçon avec des billets imprimés par l’orfèvre. L’artisan rémunère ses collaborateurs avec ces billets qui entreront ensuite dans le marché de la consommation courante.

Puis mois après mois, la dette du commerçant diminue au fil des remboursements. Jusqu’à l’extinction totale. Tout rentre alors dans l’ordre, quantité d’or et montants des billets sont en parité, tout du moins pour ce placement spécifique. La destruction monétaire suit la création monétaire créant ainsi une masse de monnaie en circulation fluctuante.

Tout est-il effectivement à l’équilibre ? Pas tout à fait, il y a les intérêts. Le commerçant emprunteur doit également trouver les ressources pour s’en acquitter. Le surcroît de revenus apporté par les nouveaux investissements y pourvoit en général, à défaut un nouvel emprunt fera l’affaire. La remarque n’est pas anodine car elle illustre que ce système de création monétaire ne peut exister que dans un contexte de croissance continue. Il faut qu’il y ait création de richesse pour pouvoir financer les intérêts. Une croissance perpétuelle est-elle compatible avec un monde aux ressources finies ? Notre mécanisme de création monétaire est-il pérenne ?

Le mécanisme est institutionnalisé. Les banques commerciales prêtent des fonds non pas en piochant dans leurs réserves mais par un un jeu d’écritures comptables : le compte de l’emprunteur est crédité du montant de l’emprunt, cette même somme est portée en dette vis a vis de la banque. Ces montants sont ajustés au fil des remboursements jusqu’à extinction.

Notons que les prêts par les banques commerciales pour créer de la monnaie ne sont pas les seuls types de prêts, ils cohabitent avec les prêts de banques d’affaire sur des richesses tangibles pour faire fructifier des dépôts.

L’activité de prêt des banques commerciales est strictement encadrée par les banques centrales (BCE, FED …) qui dictent leurs conditions. Elles veillent à ce que les banques commerciales aient une certaine couverture de l’ordre de 1 % aujourd’hui, elles précisent le taux d’intérêt afin d’avoir une certaine maîtrise sur ma masse de monnaie en circulation. Leur rôle est prépondérant.

La monnaie qui vient du ciel

La maîtrise de la masse monétaire est donc du ressort de la banque centrale. Trop et c’est l’inflation, pas assez et c’est l’activité qui stagne. Nous sommes dans ce dernier cas de figure depuis une dizaine d’années et les banques centrales ont fort à faire.

Un des leviers est le taux d’intérêt. Pour faciliter les investissements, il « suffit » de baisser les taux. L’intuition qui nous souffle que la baisse atteint son plus bas avec un taux nul se heurte à des taux négatifs.

Autre piste pour les banques centrales : la monnaie hélicoptère imaginée par Milton Friedman en 1969. Là encore la monnaie est créée par un jeu d’écriture sans qu’il y ait de contrepartie et injectée sur le marché pour le relancer. Cette injection peut prendre toute forme issue de l’imagination. Dividende citoyen, revenu universel quand on cible les consommateurs pour relancer la machine, quantitative easing quand on se tourne vers les établissements financiers pour qu’ils fluidifient l’accès aux investisseurs, la liste est ouverte.

Nous n’avons que très peu d’expérience sur la monnaie hélicoptère au profit des particuliers dont la mise en œuvre comme les effets restent une inconnue. Son application est régulièrement évoquée depuis plusieurs années, Mario Draghi le juge « intéressant ».

Adopté depuis plusieurs années des deux côtés de l’Atlantique comme du Pacifique le quantitative easing est toujours d’actualité malgré des annonces répétées de fin de programme : pas moins de 278 milliards de dollars ont été émis en une semaine par la FED en réaction au manque de liquidité sur le marché du court terme. Il consiste pour les banques centrales à créer de la monnaie pour acheter des actifs auprès des institutions et banques. L’intention est de réinjecter de la monnaie pour relancer l’activité, mais les fonds semblent se diluer dans des circuits financiers sans générer d’investissements industriels.

 

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Auteur: 
Jacques Baudron - Secrétaire Forum ATENA - septembre 2019 - jacques.baudron@ixtel.fr

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