Destruction créatrice de l’IA

L’Intelligence Artificielle source d’emplois ou de chômage ? Cette très récurrente question anime des vagues d’espoirs et de craintes qu’avec sagesse Olivier Ezratty nous invite à prendre avec beaucoup de recul.

Mais quel type de tâche peut assurer l’IA ? Quel enseignement tirer de l’automatisation depuis l’après-guerre ? Où trouver la création schumpeterienne, pendant de la destruction ?

L’IA au travail

Illustrons par quelques exemples les situations où l’IA peut se substituer à l’humain. La distinction entre tâche et métier y est fondamentale.

L’Intelligence Artificielle sur laquelle on peut effectivement compter aujourd’hui est bâtie sur un traitement statistique de grandes quantités de données. Au delà des opérations informatiques existantes l’apport est essentiellement dans la reconnaissance d’images, de situations, de sons ou de formes.

On peut dès lors identifier une panoplie de tâches qui peuvent éventuellement constituer un métier. La scrutation des caméras de surveillance où l’IA peut détecter un comportement sortant de l’ordinaire voire un individu suspect en est un exemple déjà en application dans certains pays. La conduite de véhicule autonome si son devenir est confirmé entre également dans la catégorie des métiers pouvant être remplis par l’IA.

Il se peut qu’un métier abandonne une part de sa valeur pour être réduit à une tâche. Les chatbots font ainsi largement appel à l’IA tant pour repérer les mots clefs d’une requête que pour en formuler la réponse. Pour autant le métier de conseiller téléphonique doit-il craindre un réel concurrent dans une tâche qui se limite à remplacer les interfaces homme machine dans une recherche documentaire ? Il semblerait hélas que oui.

À l’inverse, certain métier ne peuvent être réduits à une tâche. Je pense par exemple aux radiologues menacés dans la scrutation des radios à la recherche d’anomalies. L’IA apporte ici beaucoup car elle ne fatigue pas. Mais cette quête systématique ne se fait que sur la base de critères exhaustivement identifiés et ne peut en aucun cas remplacer l’expertise du « sachant ». On peut voir là se rejouer la scène que l’arrivée d’Internet avait infligé aux avocats dans leurs recherches de jurisprudences. Leur métier n’a pas disparu pour autant mais le soutien de l’outil a augmenté leur efficacité avec notamment les liens HyperText. L’usager ne souhaite pas encore abandonner l’expertise humaine.

L’impact de l’IA sur l’emploi ne viendra-t-il pas plus des gains de productivité que du pur remplacement de métiers ?

Leçons de l’histoire : machine et emploi depuis 1950

L’après-guerre a été riche en progrès technologiques : machines outils, informatique … Dans quelle proportion ces progrès ont-ils modifié la productivité ?

La réponse est : énorme. Supérieure à 700 %.

Le calcul est effectué en évaluant la part du PIB créé en euros constants par heure travaillée. Les chiffres pour ce calcul ont pour source l’INSEE. Parmi les surprises, il semblerait que le cumul des heures travaillées soit plus élevé en 1950 (43,7 milliards) que de nos jours (42,2 milliards). Le PIB passe lui de 280 milliards d’euros constants en 1950 à 2000 milliards en 2007. On travaille moins pour produire beaucoup plus.

Dit autrement : lorsqu’un collaborateur lève le bras aujourd’hui, il produit plus de sept fois plus que son parent en 1950. La réponse au niveau de l’emploi est passée par une forte réduction du nombre d’heures travaillées : durée hebdomadaire, congé payé et … chômage.

La destruction créatrice qu’évoquait Schumpeter est mise en défaut. Qu’en sera-t-il avec l’arrivée de l’IA ?

La destruction créatrice de Schumpeter

Dans Le cycle des affaires en 1939, Schumpeter détaille sa vision : un « ouragan perpétuel » voit alterner des mouvements de création accompagnés de destruction. Ces mouvements ont pour moteur de nouveaux biens, de nouveaux processus de fabrication, de nouveaux marchés, de nouvelles matières premières.

Une illustration typique est le basculement au début du siècle dernier entre l’agriculture, anciennement gourmande en bras et l’industrie avide maintenant de ressources humaines pour produire machines outils et automobiles. Destruction création.

Quelles créations peut-on mettre face aux destructions que créerait l’augmentation de la productivité liée à l'IA ?

Deux pistes sont le plus souvent avancées : d’une part le fort besoin en compétence dans le domaine de l’Intelligence Artificielle, notamment les data scientists. Par exemple la validation des données utilisées par l’IA est cruciale et fortement consommatrice de compétences humaines. Chaque image doit être décrite et annotée à la main. Mais on peut douter que ce soit suffisant pour équilibrer la balance création destruction.

La deuxième piste évoquée est celle des services à la personne. Je suis pour ma part réservé quant à leur rapport avec l’IA : les services à la personne sont là qu’il y ait IA ou pas.

Destruction création d’accord, sauf que la création liée à l’IA n’est pas identifiée. Ne se dirige-t-on pas plutôt vers une reprise de gains en productivité ?

 

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Auteur: 
Jacques Baudron - Secrétaire Forum ATENA - mars 2019 - jacques.baudron@ixtel.fr

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