Liberté, liberté chérie, l’article 20 de la LPM te protège

La liberté ! Quelle notion merveilleuse ! 
On fait ce que l’on veut, on exprime ce que l’on pense, on fait ce que l’on dit, sans entrave et sans crainte. Liberté, liberté chérie, combat avec tes cyberdéfenseurs, ils te maternent, ils te protègent. 
 
Bien sûr, la liberté doit être encadrée par la loi, car nous vivons en société. Mais ça ne pose aucun problème dans un pays démocratique où la liberté est dans la devise et dans les gènes, et où la justice est indépendante du pouvoir en place. Tant que le pays reste vraiment démocratique, bien sûr.
 
"La liberté d’un citoyen finit, là où celle d’un autre citoyen commence". Oui, et on a besoin de lois pour la réguler et de juges pour l’appliquer.
 
Benjamin Franklin, au 19eme siècle, a émis cette phrase sublime : "Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux". Thomas Jefferson, qui fut président des Etats Unis, et qui fut aussi un éminent cryptologue, a formulé une phrase semblable et je leur dit : BRAVO !
 
On introduit donc ici la notion de sécurité, qui semble s’opposer à la liberté ou du moins la restreint. 
Benjamin, Thomas, permettez-moi de vous donner mon avis, à deux siècles de distance : Nous, nous sommes en France, au 21eme siècle, et nous sommes en guerre. Oui, c’est une guerre asymétrique, dans un état de droit mais où la menace est bien réelle. Et cette guerre ne se limite pas au cyberespace, elle fait des victimes, hélas bien réelles, parmi la population. La liberté d’un citoyen doit-elle finir là où une rafale de kalachnikov commence ? 
 
On a tué des journalistes parce qu’ils publiaient des caricatures qui ne plaisaient pas à certains. On a abattu une policière, non armée, dans la rue, et dans le dos. On a tué des personnes dans une supérette parce qu’elles étaient juives. On doit protéger, par des soldats armés, des institutions par peur d’un massacre, par exemple dans une école maternelle... 
 
Et cela, à Paris, en 2015 !
 
Les instances nationales se sont dotées de la LPM, la Loi de Programmation Militaire 2014-2019. Son article 20 fait l’objet de débats houleux, en particulier parmi ceux qui sont épris de liberté et parmi ceux qui sont épris de sécurité. Pour parler avec sagesse de cette loi, et en particulier de son article 20, il faut le lire d’abord. Je ne suis pas juriste mais je suppose qu’il faut également, comme dans toute loi, peser tous les mots, les données et les métadonnées. 
 
Pour faire simple, l’article 20 de la LPM autorise l’accès aux données de connexion, détenues par les opérateurs, à certaines administrations comme la gendarmerie nationale, les douanes, la police, la défense. Mais rassurez-vous, c’est pour pêcher à l’hameçon, pas pour pêcher au chalut comme ça peut se pratiquer aux US ou en GB. Les cibles sont les individus au passé et aux comportements limites, qui peuvent menacer la sécurité, et la liberté de chacun d’entre nous. Ce contrôle se fait sans passer par un juge, mais tout de même sous le contrôle d’une autorité indépendante, la CNCIS. C’est la non-implication d’un juge qui fait l’objet du débat.
 
Moi, je suis pour l’application de cet article 20 de la LPM, car nous sommes en guerre. Oui, nous sommes en guerre. Demande-t-on à un soldat, qui se fait tirer dessus sur un champ de bataille, d’aller voir un juge pour lui demander la permission de riposter ? Doit-on, pour connaître les intentions de ceux qui veulent égorger nos fils et nos compagnes, passer d’abord par un juge, alors que la menace peut être immédiate ? La menace est réelle, nous sommes en Vigipirate alerte attentat. Benjamin, Thomas, vous n’avez pas connus cette situation au 19eme siècle, mais aujourd’hui nous vivons dans un monde interconnecté où tout peut aller très vite.
 
Il ne peut y avoir de liberté sans un environnement de sécurité, et bien sûr de cybersécurité qui amène la confiance. Il ne peut y avoir de cybersécurité sans la connaissance fine des menaces et des attaques qui se préparent. Et comment peut-on prévoir ce qui se prépare si ce n’est par le renseignement ?
 
Evidemment, la première réaction sera de penser aux conséquences de cette loi pour nos libertés, et de ses dérives toujours possibles, comme un agent de l'état qui surveillerait son compagnon ou sa compagne, mais cette dérive n'est pas grand chose, face au terrorisme. Et c’est là que je dis, à vous, Benjamin, Thomas, et aux autres, ceux qui vivent en France, en 2015 : La liberté se mérite, et elle a besoin de sécurité pour instaurer la confiance. Plus de sécurité, c‘est la liberté rendue possible, et la confiance revenue pour l’honnête homme, et la peur qui se transmet dans le camp des djihadistes, pour ne pas cacher la vraie cible de cet article.
 
Non, l'article 20 de la LPM n'est pas dirigé contre vous, pour en savoir plus que ce que vous entrez spontanément sur vous dans les réseaux sociaux. Et non, si suite à des votes irresponsables, un régime, disons peu recommandable, venait au pouvoir, il n'aurait pas besoin de l'article 20 de la LPM, pour détruire notre liberté ... et notre sécurité.
 
Bien entendu, les opinions que j'exprime ici n'engagent que moi, et en aucun cas l'association Forum ATENA.
 
Je suis ATENA
Je suis CHARLIE
Auteur: 
Gérard Peliks Président de l’atelier sécurité de Forum ATENA