Une concentration sans égal. Sept des "9 fantastiques" (les GAFAM + NATU, respectivement Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft et Netflix, Airbnb, Tesla, Uber) ont leurs sièges sociaux dans la région (cf. figure 1). Les absents, Amazon et Microsoft, ont pour leur part respectivement des bureaux notamment à Sunnyvale pour son laboratoire de R&D et à Mountain View. Les interactions entre les géants du numérique sont nombreuses même si chacun a son histoire et son positionnement évolutif propre. Le tout dans un espace d'un peu plus de 3 millions d'habitants.
(cf. figure 1)
(extraite de Made in Silicon Valley)
D’où vient cette domination ?
Plusieurs facteurs l’expliquent au premier rang desquels, les 3 mousquetaires du numérique, Stanford, Terman et Shockley qui ont su transformer cette région agricole en temple du numérique. D’abord en attirant des talents dès les années 1940 dans la région sitôt leurs études finies en les dissuadant de s’installer à l’Est (ce fut le cas des fondateurs d’HP). Le rôle du Gouvernement et de la Défense fut également moteur, la Côte Ouest étant stratégique depuis le combat entre les États-Unis et le Japon pendant la Seconde guerre mondiale. La profusion d’entreprises de semi-conducteurs dans la région donna le nom de « Silicon Valley » à la région. Désormais, la région a muté du matériel aux données en passant par le logiciel avec des acteurs qui sont dans une logique d’intégration verticale comme Apple qui maîtrise la chaîne de valeur et tout un écosystème autour.
Ensuite, nous avons l’ADN lui-même de l’Américain, tourné vers le futur, avec un esprit de conquête, d’entreprise plus marqué, une forte orientation client et un pragmatisme là où le Français sera attiré par le conceptuel.
Enfin, trois points méritent d’être soulignés :
- La rapidité d’exécution alors que les Français passent leur temps à tergiverser, ont des réunions longues aux objectifs pas toujours fixés à l’avance et qui servent également à résoudre des problèmes au sein des équipes ;
- La capacité de lever des fonds sans commune mesure dans un rapport de 1 à plus de 10 entre la France et les États-Unis (c’est pour cela qu’une présence préparée pour le marché américain est à méditer si l’on veut être un acteur mondial) et encore plus à San Francisco et dans la Silicon Valley (c’est également le cas à New York) ;
- La capacité à croître très rapidement pour devenir le leader sur un marché et penser à la rentabilité de l’audience ensuite. Ce fut le cas d’Amazon, de Facebook et désormais vraisemblablement de Snap. Ceci passe par le développement d’une application qui devient ensuite plateforme avec des APIs ouvertes, etc. pour qu’un écosystème viennent se développer autour. En bref, il faut penser ouverture et dimension internationale dès le départ. L’immense cash amassé par les GAFA leur permet en outre d’accélérer leur « go to market », n’hésitant pas à acquérir des start-up ou des entreprises pour avoir une technologie sur étagère plus vite (en intelligence artificielle, réalité virtuelle, big data, etc.) que la concevoir elle-même même si des projets sont en compétition avec leurs propres équipes.
Une suprématie pour de longues années
Outre le fait que les Américains sont très rompus à l’art de reseauter, de pitcher, de travailler collaborativement, l’échec n’est pas perçu négativement et l’on apprend en marchant. La Silicon Valley arrive à attirer les meilleurs talents du monde (Amérique, Europe, Asie) avec toutefois un revers, le coût de la vie dans la région – le coût du logement à Palo Alto Ouest est supérieur à celui du VIIe arrondissement de Paris. Aussi un jeune ingénieur chez Google payé 100 000 dollars par an aura un niveau de vie voisin qu’un autre bien moins rémunéré sur sol européen.
Tous les ingrédients sont réunis pour poursuivre cette domination : population jeune, instruite, avec des revenus confortables (bien qu’il existe une classe de travailleurs pauvres massivement issue du Mexique), très consommatrice de produits et services numériques, nombreux capitaux-risqueurs, etc. Ceci est renforcé par les actions de lobby des GAFAM pour influer la régulation, le politique et l’opinion et poursuivre leur emprise sur le numérique et plus largement la société.
Même s’il existe de nombreux pôles d’innovation dans le monde (Bengalore, Shenzhen, Tel Aviv, Singapour, etc.), ils n’ont pas la dimension de la Silicon Valley (cf. figure 2).
(extraite de Made in Silicon Valley)
À l’avenir, le risque pour les Américains ne vient pas de l’Europe même si celle-ci peut être contraignante réglementairement mais de la Chine. Avec les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi), la Chine numérique s’éveillera lorsqu’elle souhaitera se développer massivement hors de ses frontières. Et ce sera un combat sans merci entre ces deux super puissances. À nous de choisir notre camp sachant que la coopétition entre l’Europe et les Etats-Unis nous serait plus naturelle.
David Fayon (@fayon, www.davidfayon.fr) vient de publier Made in Silicon Valley, Pearson, dans lequel 30 recommandations sont livrées en fin de livre pour faire de la France la tête de pont du numérique en Europe
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