dîner networking du 05 octobre consacré au Transhumanisme où nous aurons le plaisir d’accueillir Madame Béatrice Jousset-Couturier, je vous propose quelques précisions sur ce thème très présent dans l’actualité. Je ne sais si il reste beaucoup de places pour le dîner mais n’hésitez pas à nous rejoindre : le débat promet d’être passionnant !
Jacques Baudron - septembre 2017
La médecine guérit, le transhumanisme augmente les capacités de l’homme. Une paire de lunettes corrige une vision défaillante et des implants rétiniens offrent une vision de lynx. De quoi devenir beau, intelligent et surhomme à bon compte.
Espérance de vie et longévitéEspérance de vie n’est pas longévité. Grâce au recul de la mortalité infantile, l’espérance de vie est passée de quarante-cinq ans en 1850 à quatre-vingt en 2017 alors que l’âge des doyens de l’humanité depuis 1955 stagne avec 113,6 ans en valeur moyenne. C’est ce que nous apprennent les travaux du Gerontology Research Group. Le chercheur Xiao Dong, quant à lui fixe une valeur limite de 115 ans dans son étude « Evidence for a limit to human lifespan ». Du haut de ses 122 ans, l’exception Jeanne Calment toise les postulants au titre de doyenne des doyens.Atteindre des âges avancés n’est pas chose nouvelle. Démocrite, Sophocle, Diogène, Platon, le peintre Bacon, Newton, Kant, Fontenelle, Voltaire, ont tous acquis le statut de plus qu’octogénaire voire quasi-centenaire pour certains. N’oublions pas ma préférée, Aliénor d’Aquitaine. Sa vie fut un roman plein de rebondissements. Reine de France puis d’Angleterre, mais avec suffisamment d’énergie à plus de quatre-vingt ans dont quinze passés en prison pour aller depuis l’abbaye de Fontevraud jusqu’en Castille et ramener sa petite fille Blanche en Normandie afin qu’elle convole avec le futur Louis VIII. Belle vitalité !L’hygiène et la médecine ont augmenté l’espérance de vie, les NBIC auront-ils le même bonheur avec la longévité ?
Vaste concept ! Quatre domaines technologiques nous ouvrent la voie vers ces ambitions : nanotechnologie, biotechnologies, informatique, sciences cognitives, autrement dit les « NBIC ». Avec de telles armes, le vieillissement et la mort deviennent les cibles explicites sans laisser pour compte l’augmentation des capacités physiques ou intellectuelles. Les occidentaux Gafam et autres extrêmes orientaux Batx (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) s’impliquent dans ces recherches avec beaucoup de conviction, comprenez de dollars. La tête qui dépasse pour l’animation de ce mouvement est Ray Kurzweil, génie à l’origine de la reconnaissance de caractères et directeur de l’Ingénierie chez Google. Le prestige est certes moindre quand on précise que Google compte cinq cents directeurs de l’Ingénierie.
La technologie transforme l’homme
Les quatre pattes du transhumanisme
Intelligence Artificielle
La loi de Gordon Moore sur un plateau ?1964 : Gordon Moore, à l’origine d’Intel, constate que le rapport entre la complexité et le coût des semi-conducteurs double tous les ans depuis 1959 et augure de la durabilité du phénomène.L’engouement a commué le postulat en axiome sous le nom de « Loi de Moore ». Les transhumanistes l’ont érigé en loi de la nature. Deux exigences physiques en ont pourtant freiné la course depuis quinze ans : l’évacuation de l’énergie dès que la concentration en composants augmente et l’intrusion des phénomènes quantiques à ces échelles. La loi a atteint un plateau. La fréquence d’horloge a cessé d’augmenter en 2004. La multiplication des cœurs en pallie la limite, mais outre les impacts sur l’architecture logicielle, le bénéfice est tempéré car trop peu d’applications sont exécutées simultanément.L’arrivée de nouvelles technologies en 3D relance la croissance sans pour autant retrouver l’exponentielle des années 80. En outre, le cout industriel plus important sera-t-il compensé par une diffusion (IoT, automobile …) plus large ? Le plateau n’est pas plat.L’informatique quantique se pose en relais mais avec deux sérieux écueils à surmonter : le procédé massivement parallèle atout premier de la technologie, ne profite qu’à des traitements spécifiques car contrairement à l’informatique classique, un processus unique est appliqué à toutes les variables ; par ailleurs la nécessaire cohabitation de plusieurs centaines de milliers de qubits est hors d’imagination aujourd’hui.Qui pour donner un second souffle à la Loi de Moore ?
> IA faible.

Dans les deux cas la machine ne sait pas offrir plus que ce qu’elle peut puiser dans sa boîte, elle peut extrapoler mais elle ne peut pas innover. Dans le cas de la victoire au jeu de Go, l’IA faible avec AlphaGo a effectivement proposé des « coups » gagnants qui n’avaient jamais été vus en cinq mille ans de jeu, mais l’algorithme d’apprentissage est allé chercher des ressources insoupçonnées dans l’incroyable nombre de configurations à explorer en travaillant par sondage avec l’algorithme dit de « Monte Carlo ». Il a essayé au hasard des positions en allant à chaque fois au terme de la partie et a retenu celles qui après plusieurs milliers d’itérations avaient gagné le plus souvent. Durant les parties contre Lee Sedol, champion en la matière, la seule question que se posait AlphaGo était : dans cette configuration quelle position présente la plus forte probabilité de victoire ? Et c’est ainsi qu’on l’a vu sortir de son chapeau des coups jusqu’alors inconnus menant au succès. Pour être complet, ajoutons que cette mécanique est également à l’origine de l’unique défaite d’AlphaGo sur les cinq parties jouées, ce qui relativise l’efficacité de la méthode.
Les connaissances acquises par la machine grâce à l’IA faible viennent de la technique de « programmation » par apprentissage et son génial et dernier avatar, le Deep Learning, n’a pu voir le jour que grâce à trois facteurs : l’inépuisable source d’images légendées fournie par les réseaux sociaux, la puissance de calcul délivrée par les cartes graphiques des consoles de jeu et l’opiniâtre clairvoyance de Yann Lecun, son papa.
Examinons le principe dans le cas de la reconnaissance d’un chat dans une image. L’idée est de présenter à la machine une énorme quantité d’images représentant un chat et de lui demander d’allumer une lumière si elle voit un chat. En cas de mauvaise réponse, la machine ajuste ses réglages internes afin de délivrer la réponse correcte. Au bout d’un moment, la machine ne se trompe plus y compris face à une image nouvelle. C’est de l’apprentissage. Le cœur de la machine est le « neurone artificiel », comparateur à seuil ajustable. Ces neurones sont regroupés en couche et le « learning » est qualifié de « deep » car une vingtaine de couches sont mises en œuvre.
Face à l’humain, l’IA faible est dotée d’une vertu essentielle : elle ne fatigue pas. Elle sait rester concentrée. Elle ne sait faire qu’une chose mais sans jamais s’en éloigner. L’avantage est décisif dans la conduite automobile où la perte d’attention est à l’origine de la majorité des accidents, dans la surveillance de multiples écrans de contrôle ou dans la scrutation d’une quantité considérable de radiographies à la recherche de nodules par exemple.
Les assistants tels que « Siri », sophistication de l’interface homme-machine, mettent en œuvre l’IA faible pour relever les mots clefs de questions posées en langage naturel, s’en servir comme entrées pour la base de données de réponses pré-formatées voire requêtes sur Internet et enfin délivrer le résultat à l’utilisateur en langage naturel. Des robots pourraient prendre la place de soldats dans les combats urbains, ce qui soulève des problèmes éthiques. Le tout suivi de moult points de suspension, car nous ne sommes limités que par l’imagination, tant pour dresser la liste des applications que sur le fait que l’IA faible en est incapable.
L’IA faible est là et va fondamentalement bouleverser notre quotidien.
> IA forte.
Nous côtoyons là un de nos cousins. La machine dotée d’IA forte est capable d’émotion. Vous pourrez lui présenter la « une » du Canard Enchaîné, et l’IA forte en saisira tout le sel, les sous-entendus, les calembours et autres allusions. L’IA forte aura de l’humour. L’IA forte sera capable de se reproduire. L’IA forte sera ange ou démon et elle dépassera l’homme. L’IA forte est l’objet de toutes les peurs et de tous les espoirs. Seule la science fiction nous permet d’en imaginer la teneur. Mais l’IA forte n’est pas là. Et il n’y a pas d’indice d’une arrivée prochaine.
Savez-vous comment marche une IA forte ? … moi non plus.
Pourtant, les tenants de l’IA forte et du transhumanisme ne connaissent pas ces doutes. Quelles bases technologiques ou économiques autorisent les adeptes de l’IA forte et du transhumanisme à être aussi affirmatifs ? Pour ma part, les trois que j’identifie ne sont guère convaincantes :
Syntaxe et sémantiqueL’IA forte comprend le sens d’un texte là où l’IA faible ne fait que reconnaître des mots.L’IA forte sait relever les ambiguïtés du langage. Prenons les deux propositions suivantes qui expriment la même idée :« La boîte ne peut pas entrer dans la valise parce qu’elle est trop grosse »« La boîte ne peut pas entrer dans la valise parce qu’elle est trop petite »L’IA forte saura préciser si le pronom « elle » fait référence à la boîte ou à la valise.Autre cas :« Paul n’est pas dans la classe de Pierre parce qu’il est plus âgé ».Qui de Paul ou Pierre est l’ainé ? L’IA forte n’en sait pas plus que nous bien entendu, mais elle sait lever un drapeau d’alerte.De leur côté, les algorithmes d’IA faible, nourris par les documents officiels multi-langues, fonctionnent avec des dictionnaires de mots et de groupes de mots sans aucune notion du contenu. C’est ainsi que :« Il a sauté un repas » donne « He skipped a meal »Mais :« Il a sauté, encore, un repas » devient « He jumped, again, a meal ».L’IA faible est syntaxique, l’IA forte est sémantique.
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