Faits et fake

La parade aux « fake news » ? Une loi. « Une loi nécessaire pour protéger notre démocratie contre les ingérences extérieures » précise notre ministre de la culture, Françoise Nyssen. Une loi qui s’activera pendant les cinq semaines précédant les scrutins nationaux.
Cette loi adresse-t-elle la diffusion « de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers » ? Ma foi non, une telle prescription est déjà en place. Depuis le 29 juillet 1881. A priori rien ne manque. Les outils de diffusion de l’information ont certes sensiblement évolué en près de cent cinquante ans mais la rumeur est toujours là quelle que soit son nom.
Avec ses trois volets la loi vise les tuyaux lorsqu’ils sont porteurs de news un peu fake.
Qui fait quoi ? Qui fake quoi ?
Les citoyens peuvent saisir un juge des référés pour faire cesser la diffusion de fausses nouvelles. Aux juges de se rendre disponibles pendant les cinq semaines pour traiter les dossiers et se forger une opinion sur chacun des cas.
Côté médias, le CSA est seul arbitre pour suspendre les conventions avec les supports estimés sous influence d’un état étranger. Au CSA de se forger une opinion sur chacun des cas.
Penchons-nous sur le troisième volet, les réseaux sociaux. L’idée est de savoir qui « sponsorise les contenus d’information » et pour quel montant. L’argent est l’outil qui remonte une information en bonne place sur un fil d’actualités ou sur une chaine vidéo Internet. La mesure vise à fournir des éléments d’appréciation aux ateliers de « fact-checking » pour jauger la crédibilité d’une information.
Soit. Sauf que ce faisant l’autorité des « médias-juges » en « fact-checking » pour démêler le vrai du faux est implicitement confirmée. Toutes nos congratulations aux Decodex et autres Desintox pour leur officieuse intronisation. Ironie des choses : qui « sponsorise les contenus d’informations » desdits « médias-juges » ? Qui dispose du pouvoir dans ces « médias-juges » pour remonter en bonne place un contenu d’information ? La poignée de propriétaires des médias, d’industriels du bon côté du stylo quand arrive la saison d’allocation des budgets publicitaires. Sans omettre les GAFAs généreux pourvoyeurs de fonds pour filtrer les faux.
Que penser de l’indépendance d’un tel montage ? Comment s’assurer que l’information qui nous parvient ne sera pas dénaturée ? Comment pallier un zèle qui évoluerait en auto-censure ? De quelle protection dispose-t-on contre la possibilité de détournement de la belle mécanique par un pouvoir politique qui prendrait ses distances avec la démocratie ?
D’autant que les « médias-juges » sont faillibles. Il n’est qu’à voir la vitesse à laquelle un récent sondage sur les français et le complotisme a bénéficié d’une large diffusion avant que quelques rares médias n’exercent leur devoir d’esprit critique pour souligner les lacunes tant dans questions posées que dans le traitement des réponses. Ce qui écartait l’étude de toute validité scientifique.
D’autant que les « média-juges » ne brillent pas par leur pertinence. Il n’est qu’à voir la place accordée aux déboires de la succession d’une star de la chanson au détriment du modeste espace où se tasse le « reste » de l’actualité.
Question : devrons-nous accepter ne plus avoir accès à l’intégralité de l’information ? Que faut-il redouter : le trop plein d’annonces d’où il nous faut démêler le vrai du faux ou l’accès restreint à une sélection d’informations épurées par des autorités non élues à la compétence restant à prouver ?
Filtre à fake
Et pourquoi pas du « self-fact-cheking » ? Nous en avons les outils.
Vérifier et valider soi-même, à titre individuel les news ne relève pas de l’exploit. Quelques minutes sur un moteur de recherche suffisent bien souvent pour remonter à la source voire acter l’absence de source. Sollicité, l’ami <insérer ici votre moteur de recherche préféré> n’est pas long à mettre à terre la crédibilité du message ou à l’inverse à en conforter la teneur.
Le contexte a changé depuis la loi de 1881 : Internet nous offre l’opportunité de remonter à la source des informations rapportées par la rumeur. À nous d’en user.
À nous de ne pas propager une information sans se l’être appropriée. Autrement dit sans être capable de la descendre ou de la défendre bec et ongles. Zélateurs et contempteurs unis dans un même devoir de conviction. Accordons-nous une autre option : solliciter une explication de texte. Mais plus de « forwadage » non assumé.
Effet calculatrice. Et fake calculatrice
Ne négligeons pas un effet de plus en plus fréquent. Avant l’apparition de la calculatrice l’évaluation de l’ordre de grandeur d’un résultat précédait une recherche des décimales dans des tables, sur une règle à calcul voire sur du papier. Impressionnante par l’immédiateté et le nombre de ses décimales, la réponse fournie par la calculatrice arrive avec un aura incontestable. Le jugement sur la vraisemblance du résultat disparait. L’esprit critique en pâtit.
Internet n’est-il pas porteur d’un travers similaire ? Après « vu à la télé », « lu dans le journal » on a « reçu sur twitter », « pusher dans mon fil d’information ». De nouveau l’immédiateté de l’information l’auréole d’un halo de légitimité.
Mais je n’en reste pas moins convaincu que plus notre esprit critique sera sollicité pour faire un tri au lieu de prendre pour argent comptant une thèse confortable plus il s’aiguisera.

Et plus les « fake news » auront des difficultés à se répandre. Au boulot. 
 
 
Auteur: 
Jacques Baudron - jacques.baudron@ixtel.fr

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