Quelle learning attitude pour les digital natives ?

Le slogan ci-dessus choisi par Forum ATENA, comparable à la maxime affichée au fronton des édifices de la République française « Liberté, Egalité, Fraternité », oblige à mon avis à  porter un regard sur le mouvement étudiant actuel.
L’action de protestation contre la loi pour l’Orientation et la Réussite des Etudiants (ORE), qui modifie les modalités d'accès à l'université est présente sur quelques sites universitaires.
Quelle est l’ampleur du mouvement ?
La bataille des chiffres de la mobilisation étudiante prend évidemment un tour politique.
 
"Il y a très peu d'universités qui sont occupées. Qu'il y ait du débat, c'est bonne chose, mais je constate que dans beaucoup d'universités occupées, ce ne sont pas des étudiants mais des agitateurs professionnels". Ces propos d’Emmanuel Macron le 12 avril, n’ont pas manqué de faire bondir les étudiants mobilisés depuis plusieurs semaines dans les universités françaises. Pour eux, le mouvement est beaucoup plus large.
"C’est plus facile de minorer les chiffres que d’écouter les revendications des étudiants", a estimé la vice-présidente de l'UNEF. Son bilan le jeudi 12 avril : "16 universités bloquées.
Et pour les chiffres de mobilisation dans les AG, on n’avait pas vu ça depuis 2006 et le mouvement contre le CPE. Si on compte le total des facs mobilisées, où il y a des AG, on dépasse les 50 universités sur 67 en France".
 
Qu'en disent les professeurs et les présidents d'université ?
 
La communauté éducative est divisée. Une quinzaine d'enseignants-chercheurs de Nanterre se sont opposés au blocage des bâtiments et à l'annulation des examens.
Dix jours auparavant, ils étaient plus de 400 enseignants à dénoncer la loi et affirmer leur soutien au mouvement étudiant.
Les présidents d'universités semblent conditionner le succès du système Parcoursup aux moyens alloués. Dans une lettre publiée dans Le Monde, 63 d'entre eux, sur un total de 73, disent soutenir les objectifs de la loi ORE, mais estiment que "mettre en œuvre cette loi sans moyens nouveaux à la hauteur des enjeux serait la condamner à l’échec".
Le site parisien de Tolbiac, après trois semaines d'occupation par des étudiants, a été évacué à l'issue d'une vaste opération de police lancée au petit matin du vendredi 20 avril.
Le coût des "dégradations" commises s'élève à "plusieurs centaines de milliers d'euros", « Elles vont coûter très cher à l'université et au contribuable » a déclaré le président de l'université Paris 1 dont dépend le site.
L’occupation de SciencesPo me semble plus originale et plus riche d’enseignements.
Le 27, rue Saint-Guillaume a été bloqué par des étudiants de Sciences Po, le mardi 17 avril, à la suite d'un vote en Assemblée générale.
La direction de l'école a organisé, jeudi 19 avril, un vote électronique destiné aux étudiants, qui ont été 67,2% à répondre "non" à la question "Approuvez-vous l’occupation ?".
Tous les bâtiments du campus parisien ont finalement été rouverts vendredi 20 avril, en début d'après-midi.
Le blocage minoritaire, très temporaire et de faible ampleur de Sciences Po Paris a suscite plus de commentaires et de réaction que la situation des facultés avec plusieurs milliers d'étudiants.
Le journaliste du Figaro se dit très surpris par les faits. Il écrit : « Mercredi 18 avril les étudiants du prestigieux et très sélectif Institut d’Etudes Politiques de Paris ont été avertis par la direction que la plupart des cours seraient suspendus. »
Ferréol Delmas Président de l'Union des Jeunes Pour le Progrès, mouvement officiel des jeunes gaullistes de Sciences Po et Amine Hafidi Président de l'UNI-Sciences Po surnomment les manifestants les «Che Guevara du 7ème arrondissement» et dénoncent l'hypocrisie et le ridicule de ce blocage. Pour eux, choisir une formation très sélective et ensuite venir dénoncer un tel type de recrutement universitaire relève de la plus parfaite hypocrisie.
Ferréol Delmas et Amine Hafidi poursuivent : « Le Président de la République qualifié de «raciste», le drapeau de Sciences Po tagué par un symbole anarchiste, la contestation de plusieurs cours promouvant une idéologie «libérale et autoritaire », voilà le programme . Derrière une opposition à un texte de loi, nous assistons à un combat politique et idéologique mené par des activistes d'extrême-gauche plus déterminés que jamais ».
« Ces Che Guevera du 7ème arrondissement de la capitale seraient donc en lutte « contre la dictature macronienne». Se présenter comme combattant un régime dictatorial est, par le caractère outrancier et caricatural de ce propos, l'aveu de faiblesse d'un mouvement qui ne représente pas les étudiants. Beaucoup d'étudiants donneraient beaucoup pour être à notre place, et eux ils bloquent, ils revendiquent la convergence des luttes. Mais ces « zadistes de Saint-Germain-des-Prés » n'en ont cure, ils bloquent. Héritiers de la bourgeoisie soixante-huitarde, ils ont pourtant l'assurance de trouver tranquillement un travail.
L'accaparation de Science Po serait selon eux « un acte symbolique, car c'est la fac où ont étudié Emmanuel Macron, de nombreux membres du gouvernement et de la majorité parlementaire» ».
L’essayiste libéral Gaspard Koenig, qui a été lui-même formé à l’université a rédigé un tweet : « Aux étudiants qui bloquent @sciencespo : Vous contestez le principe de la sélection ? Fort bien. Alors quittez @sciencespo et allez étudier en fac. Ayez le courage de vos idées. »
Un autre tweet d’une élève de seconde année  de l’IEP : « Par leur attitude, leurs propos d'estrade, leurs caricatures, ils font honte à l'école qu'ils ont réussi à intégrer... par concours... »
On peut certes voir face à toutes ces réactions la traduction de l'imaginaire français parisiano-centralisé. A mon avis, l’événement donne l’occasion de prendre de la hauteur de vue.
Avec ce mouvement on retrouve le thème de la sélection dans le débat public, quarante ans après l'échec de la loi Devaquet. Un parfum d’anachronisme avec des jeunes gens qui, il me semble, n’ont même pas conscience des unités de lieu et de temps des enjeux de la formation dite « supérieure ».
Notre système universitaire est à bout de souffle. Davantage d'État et d'égalitarisme le sauveront-ils ? On peut en douter.
 
 
 
Il faut lire les banderoles : « Les étudiants de Sciences Po contre la dictature macronienne » « Ici sont formés ceux qui sélectionnent. Bloquons la fabrique à élites » « Macron ton école est bloquée ».
Quelles doivent être les qualités de savoir-faire et savoir-être de l’élite face au paradigme économique contemporain?
L'informatique influence tous les aspects de nos vies et affecte l'ensemble de notre écosystème.
Loin de se réduire à une technologie et de se limiter à un secteur d'activité, le numérique bouleverse nos façons de produire et de consommer. Il en résulte une recomposition globale des chaînes de valeur, la transformation de l’intermédiation, la nécessité de la mise en place de nouvelles institutions.
Au XXème siècle l'homme faisait partie d'une masse. Masse de travailleurs de la grande entreprise pyramidale normalisée et hiérarchisée par l'organisation scientifique du travail fabriquant  des produits standardisés, masse de consommateurs sur des marchés grand public.
Aujourd'hui l'homme appartient à une multitude : le règne de la donnée à l’ère de la multitude. Il est équipé d'une puissance de calcul, autrefois réservée aux grandes structures, à laquelle lui donne accès l'informatique personnelle, grâce au microprocesseur. Les hommes sont connectés entre eux en permanence. On passe de la main d’œuvre au « cerveau d’œuvre ».
L’entreprise évolue donc dans un écosystème différent. Il est nécessaire de redéfinir ses fondamentaux. Il faut, pour la diriger, reconsidérer de nombreux éléments tels que : la stratégie, l'organisation,  le leadership, les facteurs de production, dont le facteur travail, le financement, le droit, la prise en compte de l'immatérialité du capital, la cyber-sécurité, la sociologie, la politique, la géopolitique, la confiance, les valeurs, le sens.
Trois éléments distinguent les entreprises numériques des entreprises fordistes. - Des modèles d'affaires à rendements croissants - une volatilité due à la pression constante de la concurrence et des clients finaux - une innovation continue grâce au suivi régulier et systématique des utilisateurs.
Notre pays peine à trouver ses marques dans ce nouveau paradigme. Le risque réel est que la valeur ajoutée continue de déserter nos territoires, alors qu’ils ont un rôle crucial à jouer,  la transition numérique étant avant tout un phénomène local.
La France n'a pas compris la troisième révolution industrielle de 1980. Les élites françaises ont pense que comme nous sortions de la deuxième révolution industrielle, nous devions sortir du monde industriel. Elles n'ont pas vu que l'on entrait dans l'économie de la désintermédiation, de la disruption, de l'immatériel.
Nous avions su bâtir, sous le paradigme de l'économie fordiste, issue de la deuxième révolution industrielle, des géants de l'industrie automobile, du bâtiment travaux publics, du pétrole, de l'assurance ou du luxe. Dans le nouveau paradigme de l'économie numérique, l'économie globale est exclusivement dominée par des entreprises américaines et de plus en plus chinoises.
La France a besoin d’une élite qui saura rapprocher le politique des sciences de l’informatique anthropologique, favorisant la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, des sciences de l'information et des sciences cognitives, pour encourager une formidable source d'innovation.
Une élite sachant fédérer et encourager des organisations où, l'autonomie, la créativité, la pluridisciplinarité, la responsabilité collective, la recherche de sens sont les maîtres-mots.
Pour l’Homme l’essentiel est de comprendre, appréhender et maîtriser l’environnement au sein duquel il évolue. Son intelligence lui permet de se repérer.
Face à l’intelligence artificielle, il faut comprendre de quelles intelligences, internes et externes l’Homme doit être doté pour vivre dans un modèle donné.
Nous assistons à une évolution de l’intelligence artificielle et à une révolution des intelligences rendue nécessaire par le paradigme nouveau de la troisième révolution industrielle. Il faut valoriser l’intelligence multiple : intelligence conceptuelle, intelligence linguistique, intelligence émotionnelle, intelligence collaborative, intelligence inventive.
-Dès le début des années 1990, j’ai eu le sentiment que nous assistions au passage d’un monde ancien, qui disparaissait progressivement, à un monde nouveau, qui n’était pas encore éclos.
On constatait à l’époque l'irruption de deux phénomènes :
L’un du champ géopolitique : la mondialisation, qui conduisait le marché mondial à doubler de taille avec en outre l’apparition d’une nouvelle forme de mondialisation financière.
L’autre du champ technologique : la révolution numérique.
Les deux phénomènes interagissant.
Nous entrions dans un monde économique et social radicalement différent de celui pour lequel nous avions été préparés :
-préparés par notre système de pensée et notre culture.
-préparés par l'éducation, l’enseignement et la formation,
-préparés par les systèmes de management de nos organisations.
A cette époque, vers 1995, je n’étais pas un débutant. J’avais l’expérience de l’entreprise grâce à l’audit externe, l’audit interne, la direction financière et la reprise d’entreprise.
J’ai pensé que l’on ne pouvait rien comprendre aux grandes évolutions économiques, sociales, géopolitiques et géostratégiques sans changer ses habitudes de raisonnements,
J’ai pensé que pour évoluer dans ce contexte, il fallait faire preuve d’une recherche intellectuelle nouvelle, qu’il fallait passer d’une attitude déductive à une attitude inductive.
La déduction, c’est la conséquence logique tirée d’un raisonnement.
L’induction, c’est la généralisation d’une observation ou d’un raisonnement établis à partir de cas singuliers.
Or on constatait, et l’on constate toujours dans le monde économique et social contemporain, l’accumulation de toute une série de divers éléments qualitatifs nouveaux, de signaux faibles, de processus inédits.
Il m’a semblé que pour comprendre l’environnement, il fallait conduire une démarche épistémologique.
L’épistémologie est la configuration du savoir à une période historique donnée.

L’intelligence économique est à mon avis la grille de lecture du nouveau paradigme. 
 
 
Auteur: 
Christophe DUBOIS-DAMIEN, Administrateur de Forum ATENA, Président de l’atelier Intelligence économique

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