"L'identification des citoyens" : compte-rendu de l'intervention de Jean-Marc Lévy Dreyfus

Interview de Jean-Marc Lévy Dreyfus par Bernard Biedermann suite à sa conférence à l’Atelier « Etat Plateforme » du 12 novembre 2018 sur « L’identification des citoyens »

BB : Jean- Marc Lévy Dreyfus vous êtes entrepreneur dans l’informatique et le numérique depuis trois bonnes décennies. Vous êtes expert dans le domaine de l’internet dans lequel vous développez des techniques innovantes depuis 1994.Entre autres, vous travaillez sur des solutions de facilitations de l'inclusion financière et des transactions financières pour tous grâce à de simples coups de fil en Inde, en Afrique et en Amérique du Sud. Aujourd’hui, dans le cadre de l'Atelier sur l'Etat Plateforme, vous nous avez présenté une approche totalement nouvelle d'architecture de services publics de l'Internet basée sur une vision "droit de l'hommiste". Tout d’abord quel est le nom de ce produit et pouvez-vous nous dire en deux ou trois phrases ce qu’il fait ?

JMLD : Le nom de la nouvelle architecture que je propose est DNA, Domicile Numérique Attribué. DNA est une nouvelle manière d’organiser l’adressage, le nommage et par conséquent l’identification et la certification des individus et des entités dans les transactions et la gestion dans l’internet. 

BB : Fondamentalement, quel est votre objectif ?

JMLD : Mon objectif est de valoriser les atouts de la France en lui permettant de reprendre le lead, de contribuer « à côté » du web un nouvel environnement d’échange et d’identification sécurisé et organisé et certifié par l’état régalien ou par une entité régalienne.

BB : Et pour quelle raison ?

JMLD : Aujourd’hui, nous vivons dans un monde globalement numérique très confus qui se caractérise par la fusion du web et de l’internet. Cette fusion est également sémantique ; Web et Internet désignant indifféremment les espaces que nous utilisons pour échanger à partir de nos pc, smartphones, tablettes. C’est une grosse erreur. En fait, le Web n’est qu’une des applications possibles exécutables sur le réseau internet. Ce dernier est en fait un réseau d’échanges de données numériques, entre des milliards de terminaux. Internet est structurellement agnostique et neutre par rapport aux usages qu’il supporte. Dans l'Internet, chaque nœud, chaque terminal et chaque paquet de données est identifié par des coordonnées binaires (des suites de 0 et de 1) sur 4 octets les adresses IP.

De par sa nature l'Internet ne peut être exploité par des humains qu'au travers de logiciels qui traduisent les adresses binaires en adresses décimales.

Ainsi l'adresse IP   172. 16.254.1  équivaut à  10101100 . 000100000 . 11111110 . 00000001

Les adresses IP étant extrêmement complexes à utiliser par monsieur tout le monde au quotidien ( par exemple : http://172.16.254.1/mashpro/logindex/ )  les pères fondateurs californiens réfléchissent à une méthode pour gérer des adresses alphanumériques.

BB : Et quelle est la norme qui en est ressortie ?

JMLD : Pour permettre l’exploitation plus facile du réseau par les hommes (donc sans passer par les adresses IP numériques), en 1983 l’IETF, l'organisation des ingénieurs de l’internet, qui définit les règles du réseau, a délégué à Jon Postel, la responsabilité de créer un nouveau système d’adressage mnémonique et alphanumérique.

Avec l’aide de Paul Mockapétris, Jon Postel impose une solution de nommage et de résolution (comment identifier l'adresse IP de l'ordinateur qui contient le domaine) des adresses de l'Internet : le DNS, Domain Name System. (Système de Noms de Domaine)

Ce système est sous-jacent à toute l’organisation technique (et donc sociétale) des adresses que nous utilisons au quotidien sur Internet. Grâce au DNS il a été possible de sortir Internet des laboratoires et des universités californiennes et y déployer des solutions utilisables comme les emails et surtout le Web ( www proposé par Tim Berners Lee en 1991). Pour fonctionner le Web utilise l’application HTTP (Hyper Texte Transfert Protocol) assujettie au navigateur laquelle interprète l'adresse DNS (de forme sous la forme www.nomdedomaine.tld/index.htm) en adresse numérique exécutable sur votre terminal. Il existe d’autres applications (SMTP, FTP, POP, IMAP, IRC...) qui fonctionnent sur Internet et qui ne sont pas dans le Web.

Dans le Web, pour exister l'individu (ou l'entreprise) doit impérativement disposer d'une (au moins une) adresse propre dans le DNS. Cette adresse nom de domaine ou adresse email est par construction unique - le DNS ne supporte pas les doublons - L'adresse est toujours déclarative : Il en résulte que le premier arrivé est le seul servi *

Un nom de domaine se déclare auprès d'un service d'enregistrement (Registrar) qui est affilié à l'organisation des noms de domaine (ICANN). Une adresse email auprès d'un fournisseur d'accès Internet ou d'un opérateur de messagerie.

BB : Et puis il y a eu Web2.0 en 2004 :

JMLD : C’est effectivement une révolution pour le Web qui désormais s'exonère du DNS. Le Web 2.0 généralise l'usage d'un moteur de recherche appuyé sur son annuaire propriétaire qui indexe à sa manière (avec ses algorithmes pour employer un terme à la mode) les adresses DNS. Ceci permet à l'utilisateur final d'accéder à la page qui lui convient sans être obliger de connaître ni de saisir l'adresse DNS.

Avec cette méthode, on trouve avec une simple recherche même approximative le lien et la bonne adresse cible ou la bonne personne dans un réseau social.

C'est cette capacité de simplifier et proposer une navigation fluide d'abord sur les PC et aujourd'hui sur les Smartphone par tous qui va permettre l’émergence de nouveaux services utilisés par des centaines de millions de gens parfaitement ignorant du DNS,  de l'IPv4,  des navigateurs.

Ainsi chaque offreur de solution peut organiser les contenus et les services qu'il souhaite proposer au consommateur et surtout lui proposer de s'enregistrer et donc enrichir son annuaire.

Il se constitue ainsi une couche fonctionnelle qui en tache de fond exploite IPv4 et le DNS mais de facto s'empare d'une valeur marchande que le Web n'a pas.

Et c'est ce qui a permis la captation de la valeur du Web par quelques immenses entreprises US : les GAFA qui nous aveugle aujourd’hui et nous masque toute la valeur sous jacente de l'Internet.

BB : Et c’est grave cet aveuglement ?

JMLD : Il faut comprendre que les GAFA en organisant les adresses et le nommage en lieu et place du DNS sont devenus incontournables dans le Web. Nous avons l’illusion que nous ne pouvons pas évoluer en dehors d'eux et par extension on a fini par penser que l'Internet doit nécessairement se conformer au modèle fonctionnel .

BB : Il existe pourtant des solutions ?

JMLD : Oui je propose une architecture de nommage radicalement nouvelle le DNA qui ne fonctionne pas sur le principe - très américain - du DNS lequel présume que chacun se débrouille pour créer son adresse .

Au contraire le DNA, Domicile Numérique Attribué, s'appuie sur le cadastre qui en repérant chaque foyer, entreprise service public, école, … dans un répertoire nommé et géré par l'autorité permet d'organiser la fourniture de toutes sortes de services ( eau, gaz, électricité, téléphone, égouts, enlèvement des ordures, voirie, poste, sécurité publique, liste électives, écoles, transport ... ) et de les garantir à chaque résident du territoire cadastré.

Le DNA permet d'attribuer une adresse numérique sécurisée à chaque ayant droit du territoire sans que celui ci n'ait aucune action à entreprendre.

A partir de sa page DNA chacun bénéficie de services numériques de messagerie, de suivi administratif, de transactions sécurisés et garantis dans le réseau social de l'opérateur du DNA.

Le DNA constitue une réelle opportunité de faire levier sur les services publics et l'organisation administrative de la France et de transformer ce qui est un handicap dû au Web - dépendance aux GAFA, absence de sécurité, globalisation et la perte de repères - en un atout majeur : la constitution à coté du Web, d'un Internet de la Confiance et de la Sécurité garanti par l'Etat.

Un énorme potentiel de progrès pour notre Pays.

 

>>> Nb : Les slides de la conférence du 12 novembre sont disponibles via ce lien

>>> Prochaine réunion de l'Atelier "État Plateforme" de Forum ATENA : lundi 17 décembre

 

* ainsi qu'il n'y a qu'un seul et unique jacques.martin@gmail.com le second sera jacques-martin le troisième martin-jacques comment fait on pour le nième Jacques Martin? et comment communiquer  avec votre ami Jacques Martin alors qu'il n'existe aucun service d'annuaire des emails ( et heureusement imaginez la quantité de SPAM si votre adresse mail était publique.)

 

 

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