Cybersécurité et poésie

Je revenais d’écouter Mme SOUVIRA chargée de mission sur les questions de cyber-sécurité auprès du préfet de police, conférence organisée par Gérard PELIKS pour les lundis de l’IE.

Le quartier de Porte Maillot laisse peu de place à la poésie et les données sur les attaques et malveillances de toutes sortes :  phishing, les rançons de logiciels, le phreaking, les malwares, me submergeaient d’anglicismes aussi volumineux que les 4 V du big data.

Qu’allions nous devenir face à ces cyber-menaces ?

Plus de pédagogie, plus de sensibilisation nous dit-on.

Je ressors en ayant le goût du désastre imminent sur les entreprises françaises : ici perte de 7 millions d’euros pour vol de données, ici 300.000 euros subtilisés par l’hameçonnage d’un faux comptable sur une PME….avons nous les moyens de notre défense informatique ?

Après le temps des questions, vient le temps du départ après de furtives rencontres de gens dont on soupçonne les activités mais qui laissent entrevoir des opportunités d’affaires ou d’amitiés.

Une cyber-menace importante et souvent ignorée est l’appropriation du savoir-faire. On accumule un savoir- faire immense tant à titre individuel qu’à titre collectif tout au long de sa vie et la société entière se laisse berner par son propre jeu concurrentiel en laissant partir les Hommes et en ne thésaurisant pas sur les savoir-faire.

Le savoir-faire n’est pas seulement l’apanage des métiers manuels et les journées particulières des maisons de luxe ne soulignent que trop l’importance de sanctuariser ce savoir-faire.

Il existe un énorme potentiel de savoir-faire en France et dans les entreprises françaises et il serait temps de s’y consacrer par des écrits, des compilations, des livres, des mémoires, des coffres forts (secrets de fabrique, secret d’affaires, brevets, marques, dessins et modèles, logiciels, partage et transmission du savoir-faire).

Qu’allons nous laisser à la prochaine génération : des pyramides de data dont on ne pourra pas lire les informations faute de clé sécurisée, faute de perte de technologie du temps t ? Des tombeaux de clés chiffrées dont le chiffrement sera daté ? Des data centers dont on perdra le contrôle ?

Je pense prendre le RER et par le jeu des grèves et des inondations, l’écran bleu m’indique 34 minutes d’attente.  Pas d’agent sur les quais pour m’informer. Tiens un robot bienveillant serait bienvenu ! J’ai le temps de ressortir et d’arriver chez moi par le métro. Puis j’hésite, je n’ai pas envie de m’enfermer dans un tunnel avec mes chiffres en tête et les malveillances qui rôdent.

Sur le pas des marches du métro, je regarde un chauffeur de taxi et gavée d’uberisation dont je deviens à mon tour victime, je fais la maligne en voulant brader la course. Le chauffeur TAIEB me dit une dizaine d’euros (je me dis une c’est bien !) puis il me dit tu fais le prix que tu veux. Alors je rentre dans cette voiture très contente de mon gain potentiel.

Il est vêtu tout de blanc. Cela change des costumes sombres dont on se pare quotidiennement.

Et là par le jeu de l’alchimie de la rencontre non binaire, loin des algorithmes de rencontres, loin des menaces agiles, il me parle de poésie.

Loin des anglicismes d’usage qui s’imposent dans l’informatique et dans la cyber-sécurité, loin du règne du chiffre, je retrouve en cet homme, le pouvoir des mots !

Quelle jouissance de l’entendre déclamer du Georges Perec !

Lui qui vient de Tunisie me fait vivre le goût de ma langue, une langue qu’il maitrise et qu’il déclame.

« J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départ, des sources ; »

extrait d’Espèces d’espaces

« Tu as tout à apprendre, tout ce qui ne s’apprend pas : la solitude, l’indifférence, la patience, le silence. »

Exrait d’Un homme qui dort.

Une discussion s’engage sur notre goût commun de la poésie. Il récite des vers d’Hugo, cite Balzac.

Il me fait vibrer en clamant en arabe (qu’il me traduit) des vers de Marmoud DARWICH sur les fleurs d’amandiers et je m’évade du cadre de la vitre, du ciel gris de Paris pour sentir le parfum de ces fleurs et rêver de ce blanc évanescent.

Voilà la solution : la lettre doit gagner sur le chiffre ! Pour une cyber-sécurité efficace et raisonnée, revenons à la lettre : pensons à l’humain, pensons à la communauté des alchimies qui se rencontrent hors de la logique mathématique, pensons aux usages simples de bon sens, pensons la confiance sans les chiffres !

Gardons nos petits cahiers « PASSPARTOUT » all in one ! remplis d’identifiants et de mots de passe pour ouvrir nos trésors de savoir-faire ! Bye bye KeePASS, dépassé par des clés cassées des algorithmes les plus sécurisés AES et Twofish, who’s fishing for what ?

Sauvons la lettre sur le chiffre car le chiffre n’est rien sans la commande des mots.

« Ici. Maintenant. Ici... et maintenant.

Ici, entre les débris des choses et le rien,
nous vivons dans les faubourgs de l’éternité
...
Maintenant, nous vivons hier et demain
et nous partons dans deux directions
qui pourraient échanger un salut poétique
...
Ici et maintenant...
l’Histoire ne se soucie ni des arbres ni des morts.
...
Nous sommes toujours là,
portant le fardeau de l’éternité. »

Extrait de Le Lanceur de dés et autres poèmes

Auteur: 
Isabelle LANDREAU, Docteur en droit, Avocate et amoureuse des mots

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