Croissance économique et numérique

Par définition, la croissance économique se mesure par  le  taux d’augmentation  plus ou moins régulier,  sur la durée,  du  Produit Intérieur Brut  (P.I.B.)  exprimé  en volume, c'est-à-dire au prix de l’année précédente. On peut ainsi faire des graphiques,  par région, par pays, ou par  groupes de pays, dans le but de  constater  l’évolution de l’activité économique sur par exemple  plusieurs décennies. L’analyse de la courbe d’évolution du PIB  doit tenir compte du fait que dans le  temps, la structure de la production (agriculture, industrie, services…) se modifie en permanence. De plus,  comme  pour  toute mesure il y a une marge d’erreur   (collecte  des chiffres, revenus non déclarés, travail au noir,… et depuis quelques années ce que l’on appelle l’économie collaborative  d’échange). On fait alors  l’hypothèse que sur les résultats d’années qui se suivent, le niveau de la  marge d’erreur  demeure  le  même.  

Sur la courte période, on parle de conjoncture pour expliquer les variations d’indices ; les causes  des  variations  sur le court terme relèvent  entre autres, de la météo, des  fluctuations monétaires et surtout de  l’état  psychologique des investisseurs et des consommateurs.

Ce qui agit sur les productivités

Sur le long terme les facteurs qui agissent sur la croissance sont  essentiellement, la population, les grandes évènements (guerres, révolutions, catastrophes, …) et bien sûr, la productivité du travail et celle du capital.

Une économie, à productivités constantes, et qui d’année en année  consomme le même type de produits, connaît une évolution de son PIB  égale à celle de  l’évolution de sa population.

Mais lorsque des innovations techniques, et le niveau de l’éducation  s’accroissent, les productivités des deux facteurs de production sont directement  impactées. Parmi les grandes innovations qui ont  fortement marqué l’histoire économique  citons, la roue, l’imprimerie, la navette textile, la machine à vapeur, le rail, le tout à l’égout, l’électricité, le téléphone, … Ces grandes  innovations ont  engendré de  longues périodes de croissance  accompagnées par des grandes modifications de la société. Pour décrire les  changements au niveau de l’emploi l’économiste Schumpeter utilise l’expression « destruction créatrice » qui signifie que les innovations technologiques se traduisent  par des suppressions et  par des créations d’emplois de  profils différents. On le sait, ces variations opposées  se produisent malheureusement avec  des décalages mais sur le long terme, les gains de productivité engendrés  par des innovations technologiques n’ont jamais créé  de chômage de longue durée. 

Fin de la croissance ?

Depuis quelque temps, notamment aux Etats-Unis, on fait l’hypothèse d’un ralentissement de la croissance de la productivité des facteurs de production et donc du PIB. L’économiste Robert Gordon estimait en 2012 que « l’on a toutes les raisons de penser que la croissance moyenne à 2 % c’est définitivement fini »    et  que nous serions  au début d’une stagnation séculaire. La croissance élevée des 250 dernières années n’était en fait qu’une exception dans l’histoire de l’humanité. Les révolutions industrielles puissantes comme, la machine à vapeur le rail, l’électricité, l’eau courante, le moteur à explosion, la chimie et les télécommunications ont eu des effets considérables sur la productivité du capital et du travail. Les travaux de Gordon  constituent un  constat sérieux qui  n’a pas  fait l’objet de contestations véritablement fondées.

Comme toujours,  et  bien entendu   en  cette fin d’année 2016, les prévisions en matières d’économie  et d’innovations  « sont encore  un art difficile surtout lorsqu’elles concernent l’avenir ! » 

Quid de la révolution numérique ?

Alors,  quid de la révolution du numérique ? Sommes nous  face à  une nouvelle période caractérisée par un boom des productivités et donc par  un redémarrage de la croissance ? Les avis sont partagés. Gordon  fait   l’hypothèse (une hypothèse n’est pas un constat)  que les innovations numériques ne vont pas générer la même croissance de  revenu  et de   productivité que dans les vagues précédentes. En revanche, dans les médias et les  milieux  techniques, on  est plus optimiste. Il faut néanmoins sortir de l’alternative pessimisme vs optimisme  car une économie, qui ne connaît pas de gain de productivité, et qui donc évolue sans croissance du PIB,  sauf si sa population est en croissance, peut très bien être en équilibre, c'est-à-dire sans chômage ni inflation. On a du mal à faire accepter cette affirmation,  d’abord parce que  nos modes de pensée  et nos entreprises  ont hérité  depuis les trente  glorieuses l’ADN de l’innovation permanente, ensuite parce que des pays comme la  France, l’Espagne , l’Italie et bien d’autres n’ont pas réussi à retrouver le plein emploi depuis  la crise de 2007, et ce pour  plusieurs raisons , alors que d’autres pays   en  2016  sont presque en plein emploi.  L’hypothèse du scénario d’une croissance zéro serait source de plus de difficultés dans les pays qui  aujourd’hui  n’ont pas retrouvé le plein emploi  en raison de l’adaptation nécessaire   à cette nouvelle économie.

Mais revenons à  notre  révolution du numérique. Il faut d’abord ne pas s’emballer et ne pas en faire une sorte de religion qui réglerait  tous nos problèmes. Certes l’état de l’art des connaissances actuelles permet de dire qu’une immense partie de nos  activités est et sera impactée et qu’une multitude  d’activités futures n’existent pas encore. Dans le milieu patronal,  en se fondant sur des témoignages individuels d’entrepreneurs , on est plutôt optimiste pour ce qui concerne les gains de productivité mais on reconnaît qu’au niveau global il faut s’attendre à des délais d’impact plutôt long (dizaine d’années).On remarque également qu’au niveau de l’entreprise, les implantations importantes du numérique doivent s’accompagner, de profondes réflexions, d’un nouveau style de management organisationnel et du respect  des normes environnementales ; En un mot, il n’y a pas de recette facile !

Comme le recommande Raj Batra directeur  de production chez Siemens « il faut encore briser des barrières…L’automation avancée apporte des performances considérables, mais quand vous ne reliez pas cela à la conception, cela génère des pertes, car en moyenne 80 % du coût de fabrication est lié à la manière dont est imaginé le produit lors de sa phase de conception » (Usine digitale 8 avril 2015). Dans une étude « Numérique organisation et rentabilité »,  à partir de la marge bénéficiaire nette et de la marge avant intérêts et impôts, Cap Gemini et MIT Sloan Review ont étudié la rentabilité de  391 entreprises dans le monde avec pour variables, le niveau d’investissement  dans le numérique et le degré d’adaptation de la culture et de l’organisation. Il en ressort quatre catégories :

  • Bonne organisation + fort investissement dans le numérique :
    Elles dépassent de 26 % la rentabilité de l’échantillon
  • Bonne organisation + faible investissement dans le numérique :
    Elles dépassent de 9% la rentabilité de l’échantillon
  • Mauvaise organisation + fort investissement dans le numérique :
    Elles sont à 11 %  sous la rentabilité de l’échantillon
  • Mauvaise organisation + faible investissement dans le numérique :
    Elles sont  à 24 % sous la rentabilité de l’échantillon

Le facteur humain et la gouvernance sont bien des facteurs déterminants et ceci est  sûrement  également  vrai pour les administrations d’état.

Capital libre, capital dédié

Beaucoup de  produits, services,  ou produits + services,  numériques  ont cette particularité qu’ils peuvent être utilisés  comme biens  de consommation ou comme outils dédiés à la production.  Ces derniers cas peuvent être nombreux ;  Le capital numérique n’est  pas  constitué d’une machine dédiée à la production comme la navette textile ou la chaîne à construire des voitures au  siècle dernier. On doit le considérer comme du capital libre.

(voir http://www.theoreco.com/macroeconomie-mondialisation/capital-libre-capital-dedie-innovation-240.html ).

Ainsi  une machine et son logiciel peuvent être  utilisés pour  plusieurs activités, la seule contrainte étant l’obsolescence technologique.

Prenons l’exemple des drones. Un même type de drone peut être : un jouet- un outil d’espionnage- un outil pour la sécurité des centrales nucléaires  dans le but de prévoir en amont le niveau des algues qui risque de bloquer la turbine - un outil pour mesurer le risque d’effondrement des falaises ou l’érosion des plages- un outil pour déposer rapidement une bouée à un nageur en difficulté- un outil pour prendre en photos un président en scooter ou la voisine au bord de sa piscine….

 Il y a eu et il y aura  encore des cas de figure surprenant, comme par exemple,    le logiciel utilisé par les SMS qui  au départ  avait   été conçu  dans les années 80 pour  les malentendants par une équipe  finlandaise  de  Télia Sonera. Ces  caractéristiques du numérique ne rendent  pas la chose facile à ceux qui  prétendent prévoir notre avenir.

On comprend  ainsi que les machines de production du futur n’auront  sans doute rien à voir avec les  machines actuelles.  Beaucoup de futurs  produits et/ou services  n’existent pas encore. Alors se pose la question de savoir si  des analyses comparatives  dans le  temps ont encore un sens notamment  pour ce  qui concerne  l’évolution de la productivité. 

Medias et politiques se sont bien évidemment emparé du sujet, mais pas toujours  avec discernement. Le thème récurrent est celui  des  suppressions d’emplois causées par des applications numériques ; il fera parti des sujets de  campagne  au même titre que  celui  des  libertés individuelles.

Une chaîne de télévision a récemment diffusé un reportage sur l’installation de robots dans une société japonaise de taille moyenne. On a pu constater qu’il n’y avait pas eu de diminution d’effectifs, car  la plupart des employés ont suivi des formations pour s’adapter à la nouvelle organisation. La productivité a augmenté, les coûts ont  baissé et surtout,  l’entreprise a  pu répondre à son marché. Ce qu’il faut retenir c’est que les entreprises qui se lancent dans des projets de robotique,  ne le font  évidemment  que  dans le cas de bonnes  perspectives  de vente de leurs produits. Dans le cas contraire, elles n’investissent pas, et dans le cas favorable, si elles n’investissent pas,  elles disparaîtront avec leurs salariés. A suivre ……      

 

 


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Auteur: 
Bernard Biedermann

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