Le besoin d’élites. Les Sciences et le Politique.

Les démocraties ont besoin d’élites estime le directeur de Sciences Po Paris. Pourtant ces élites sont déconnectées du peuple et perdent légitimité et crédibilité car le monde contemporain subit court terme, instantanéité et raccourci. Les voies, qui permettent aux experts de se faire entendre de l'opinion sont à réinventer. Le populisme propose des réponses simplistes, au mépris de la complexité, en suscitant la peur plus que l'intelligence. Christophe Dubois-Damien, diplômé de l’école réagit. : Quelles élites pour relever les défis du paradigme de l’informatique anthropologique : le règne de la donnée à l’ère de la multitude et organiser des institutions adaptées ? Les élites françaises n’ont pas compris la troisième révolution industrielle de 1980. Elles n'ont pas vu que le monde entrait dans l'économie de la désintermédiation, de la disruption, de l'immatériel.
La France a besoin d’élites capables de rapprocher le politique des sciences de l’informatique anthropologique, qui favorisent la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, des sciences de l'information et des sciences cognitives, pour encourager une formidable source d'innovation. Ces élites doivent  fédérer et encourager les organisations où, autonomie, créativité, pluridisciplinarité, responsabilité collective, recherche de sens sont les maîtres-mots.

Frederic Mion, directeur de Sciences Po Paris dans un entretien au quotidien « Les Echos » du vendredi 16 décembre 2016, estime que les démocraties ont besoin d’élites. Il constate que ces élites sont de plus en plus mises en accusation. Sont-elles déconnectées de la vie des peuples ? Frederic Mion rappelle que beaucoup de dirigeants politiques et économiques sont passés par Sciences Po. Il admet une perte de légitimité et de crédibilité des élites. Les résultats de plusieurs scrutins récents en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis le montrent. Les responsables politiques, les universitaires, les journalistes, se sont laissé surprendre par ce phénomène. Quelque chose de profond est à l'oeuvre dans les pays occidentaux. Les élites n'en ont pas pleinement conscience. D'où vient cette déconnexion ? Le peuple ressent une forme d'inadéquation entre les défis du monde contemporain et l’attitude de celles et ceux qui sont censés aider à relever ces défis. Une inadéquation, qui ne permet pas aux élites politiques en particulier de résoudre les questions qui préoccupent nos concitoyens. Frederic Mion considère que pour son école, il s’agit d’une question majeure, car Sciences Po est identifié, à juste titre, comme l'un des lieux qui doit justement contribuer à former ces élites ou plus largement les acteurs de demain.

Oui, les démocraties ont besoin d'élites. Leur réhabilitation n’est pas aisée d’abord parce que le monde contemporain est un monde de l'immédiateté, de la communication instantanée, du règne du raccourci. Ensuite, parce qu'il faut réinventer les voies, qui permettront aux experts de se faire entendre de l'opinion et des décideurs. Les experts ont la tentation de vivre en vase clos, avec pour risque de se priver d'un rôle social. L’exemple de l'écart existant entre les experts et l'opinion publique sur la question des migrations est intéressant. Toute la recherche, toute la littérature prouvent qu'accueillir des immigrés a un impact vertueux et positif sur un pays. Et pourtant, quant au ressenti des populations sur le sujet, un consensus exactement inverse s’est formé. Comment faire se rencontrer ces deux visions ? Cette rencontre est l'une questions majeures pour nos démocraties.

Comment définir le populisme ? Comme la volonté de proposer à l'opinion des réponses simples, voire simplistes, au mépris de la complexité, en faisant appel à l'émotion plus qu'à l'intelligence. C'est la capacité à susciter la peur.

La création d’une « Ecole du management et de l'innovation » au sein de Sciences Po permet de réaffirmer qu'une des vocations de l’école est bien la formation des cadres en entreprise, puisque 80 % des ancien élèves travaillent dans le secteur privé. Dans la réalité, les diplômés sont en concurrence avec ceux d'HEC, sur le marché du travail, et ils s'en tirent d'ailleurs très bien. L’école de la rue Saint Guillaume fournit des atouts spécifiques tels que l’approche des sciences sociales, qui apporte des clefs essentielles de compréhension et un enracinement dans la réalité, ou encore la capacité à situer les entreprises dans leur contexte économique et géopolitique. Cette élite de la société civile a un rôle à jouer.

Sciences Po est une émanation de la Fondation nationale des sciences politiques. L’école est donc légitime pour réflechir au fonctionnement et à l’évolution des institutions politiques en France. Comment appréhender le besoin de renouveau des personnes et des idées ? Frederic Mion précise que les économistes enseignant à Sciences Po, notamment Yann Algan, le doyen de l'Ecole d'affaires publiques, travaillent avec d'autres grandes universités internationales à renouveler le contenu des cours d'économie. En clair, il s'agit de prendre pour sujets d'étude non pas uniquement des modèles fictifs, mais la réalité économique des vingt dernières années.

Quelles doivent être les qualités de savoir-faire et savoir-être de l’élite face au paradigme économique contemporain?
L'informatique influence tous les aspects de nos vies et affecte l'ensemble de notre écosystème.
Loin de se réduire à une technologie et de se limiter à un secteur d'activité, le numérique bouleverse nos façons de produire et de consommer. Il en résulte une recomposition globale des chaînes de valeur, la transformation de l’intermédiation, la nécessité de la mise en place de nouvelles institutions.
Au XXème siècle l'homme faisait partie d'une masse. Masse de travailleurs de la grande entreprise pyramidale normalisée et hiérarchisée par l'organisation scientifique du travail fabriquant  des produits standardisés, masse de consommateurs sur des marchés grand public.
Aujourd'hui l'homme appartient à une multitude : le règne de la donnée à l’ère de la multitude. Il est équipé d'une puissance de calcul, autrefois réservée aux grandes structures, à laquelle lui donne accès l'informatique personnelle, grâce au microprocesseur. Les hommes sont connectés entre eux en permanence. On passe de la main d’œuvre au « cerveau d’œuvre ».
L’entreprise évolue donc dans un écosystème différent. Il est nécessaire de redéfinir ses fondamentaux.
Il faut, pour diriger une entreprise reconsidérer de nombreux éléments tels que : la stratégie, l'organisation,  le leadership, les facteurs de production, dont le facteur travail, le financement, le droit, la prise en compte de l'immatérialité du capital, la cyber-sécurité, la sociologie, la politique, la géopolitique, la confiance, les valeurs, le sens.
Trois éléments distinguent les entreprises numériques des entreprises fordistes. - des modèles d'affaires à rendements croissants - une volatilité due à la pression constante de la concurrence et des clients finaux - une innovation continue grâce au suivi régulier et systématique des utilisateurs.

La France peine à trouver ses marques dans ce nouveau paradigme. Le risque réel est que la valeur ajoutée continue de déserter nos territoires, alors qu’ils ont un rôle crucial à jouer,  la transition numérique étant avant tout un phénomène local.

La France n'a pas compris la troisième révolution industrielle de 1980. Les élites françaises ont pense que comme nous sortions de la deuxième révolution industrielle, nous devions sortir du monde industriel. Elles n'ont pas vu que l'on entrait dans l'économie de la désintermédiation, de la disruption, de l'immatériel.
Nous avons su bâtir, sous le paradigme de l'économie fordiste, issue de la deuxième révolution industrielle, des géants de l'industrie automobile, du bâtiment travaux publics, du pétrole, de l'assurance ou du luxe. Dans le nouveau paradigme de l'économie numérique, l'économie globale est exclusivement dominée par des entreprises américaines et de plus en plus chinoises.

La France a besoin d’élites qui sauront rapprocher le politique des sciences de l’informatique anthropologique, favorisant la convergence des nanotechnologies, des biotechnologies, des sciences de l'information et des sciences cognitives, pour encourager une formidable source d'innovation.
Ces élites doivent fédérer et encourager des organisations où autonomie, créativité, pluridisciplinarité, responsabilité collective, recherche de sens sont les maîtres-mots.

Christophe DUBOIS-DAMIEN
Administrateur de Forum ATENA.
Président de l’atelier Intelligence économique
Conseil en Stratégie et Innovation organisationnelle d’entreprise.
Diplômé de SciencesPo Paris section économique et financière

 

 


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