« LaPrimaire.org » : Blockchain, démocratie et jugement majoritaire dans une affaire à suivre

« LaPrimaire.org » est une initiative qui attire l’attention par deux expérimentations innovantes : le suffrage par jugement majoritaire et l’utilisation d’une Blockchain.

Ce scrutin par Internet et ouvert à tous, imaginé par David Guez et Thibauld Favre  qui ont créé pour l’occasion l’association Democratech vise à désigner un candidat potentiel pour le scrutin présidentiel de 2017. La validation de l’opération était arbitrairement liée à une participation de cent mille citoyens pour être comparable au nombre d’adhérents aux grands partis politiques. Ce seuil a été dépassé il y a quelques semaines.

Pour les créateurs, la démarche cherche à remobiliser les électeurs face au contraste entre la faible représentativité des partis politiques et leur rôle prépondérant dans les scrutins.

Faisons juste une remarque avant de revenir sur le mode de scrutin et la Blockchain.

Remarque préliminaire
L’époque est étrange qui invoque la démocratie dès qu’il y a scrutin alors même que la référence originelle, vingt cinq siècles auparavant lui préférait le tirage au sort ! Le moyen de désigner des représentants par un vote n’est en aucun cas la signature de la démocratie athénienne du cinquième siècle avant notre ère. La leçon de démocratie d’antan est à chercher dans la représentation effective de toutes les classes (exception faite comme on pouvait s’y attendre des esclaves … et des femmes !), la possibilité de chacun de s’exprimer et les mandats de représentation limités à un an.

Mais prenons acte et sophistiquons le choix de nos représentants.

Le jugement majoritaire
Les modes de scrutin en vigueur aujourd’hui ne donnent pas franchement satisfaction. Une amusante et courte simulation « Monsieur le président, avez-vous vraiment gagné cette élection ? » disponible sur youtube balaie les différents modes de scrutin avec un même jeu de résultats. À partir de ces mêmes indications issues des urnes les vainqueurs changent au gré des spécificités électorales. Les mathématiques déjà sous Condorcet et Borda et plus récemment par les travaux de Kenneth Arrow nous confirment par exemple pour notre modèle électoral la sensibilité que nous pressentions : la présence ou l’absence d’un petit candidat change radicalement  le résultat final.

En 2007, Rida Laraki et Michel Balinski de l’École Polytechnique ont proposé le jugement majoritaire, un nouveau modèle qui évite les écueils rencontrés. Voir par exemple leur article sur https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2012-4-page-11.htm L’électeur ne met plus dans l’enveloppe le nom du candidat préféré mais indique dans une grille pour chacun des candidats une appréciation parmi sept allant de « Excellent » à « À rejeter ».  Au dépouillement, la proportion de chaque appréciation est calculée pour chaque candidat. Ces proportions sont cumulées appréciation après appréciation jusqu’à obtenir 50%, ce qui équivaut mathématiquement à un calcul de médiane par opposition au calcul de moyenne qui aurait été obtenu en donnant des notes aux candidats. L’appréciation atteinte est le résultat du candidat, résultat servant de critère pour la désignation du vainqueur. Ce scrutin à un seul tour permet d’éviter les votes stratégiques ou les votes par dépit puisque chacun s’exprime sur chacun des candidats. Toutes les possibilités sont ouvertes, y compris celles de rejeter tous les candidats ou de tous les plébisciter. Les votes d’adhésion ne sont plus confondus avec les votes de rejet. La méthode est prometteuse et bénéficie ici d’une première implantation d’envergure. Il sera intéressant de se pencher sur l’expérimentation et ses résultats. Pour en savoir plus sur les scrutins, reportez-vous à la très pédagogique et courte vidéo de "Science étonnante" "Réformons l'élection présidentielle !" https://www.youtube.com/watch?v=ZoGH7d51bvc.

Mécaniquement, le scrutin s’appuie sur une autre technologie innovante et récente : la Blockchain.

L’utilisation de la blockchain
Les smart Contracts de la Blockchain Ethereum supportent la procédure de vote du jugement majoritaire.

Rappelons que la Blockchain est une base de données extrêmement fiable et résistante à la falsification. Il n’est pas possible de revenir sur une écriture dont l’enregistrement est recopié des milliers d’exemplaires. Les Smart Contracts sont des programmes.

La lecture des votes et des résultats est ouverte à tous. Chacun est à même de vérifier la validité du scrutin. La cryptographie permet de préserver l’anonymat tout en s’assurant de l’authenticité du votant.

Nous sommes en présence d’une grande première mondiale. Le projet français Cocorico a été développé sur la Blockchain Ethereum. Les smart contracts d’Ethereum sont à la base du mécanisme. Le site de LaPrimaire.org intègre le processus de vote Cocorico, système développé dans le cadre de MaVoix. Parlons chiffres : onze mille votants – dont près de 6 % hors de la métropole - ont enregistré entre le 26 octobre et le 6 novembre plus de cinquante mille votes, ce qui équivaut à cent soixante mille transactions Blockchain Ethereum. Probablement un record aujourd’hui.

Un tel mécanisme ne pouvait pas ne pas susciter des attaques auxquelles les smart contracts ont parfaitement résisté. Il y a eu des tentatives d’authentification massives, des tentatives en force brute pour pénétrer les comptes des organisateurs ou pour se forger de fausses identités.

Le détournement de la Distributed Autonomous Organisation rendu possible par des erreurs de programmation dans la Blockchain Ethereum avait fait grand bruit en juin 2016. La tenue d’un vote par jugement majoritaire pourrait redonner sa crédibilité aux Smart Contracts. Affaire à suivre !

 

 


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Auteur: 
Jacques Baudron - 19 décembre 2016 - jacques.baudron @ ixtel.fr

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