Regards sur la campagne du 1er tour de l’élection présidentielle de 2017 en France

François Hollande, qui a renoncé à se représenter, décrit une campagne centrée sur les affaires laissant peu de place au débat projets contre projets. Il déplore que l’émotion ait pris le pas sur la raison et le fond. Dénoncée comme nulle par beaucoup, cette campagne électorale est en fait riche d’enseignements.

On observe une grande défiance des Français vis-à-vis du fonctionnement de la vie politique. Le déroulé de la campagne illustre le fossé qui sépare les acteurs de la vie politique du reste des citoyens. Il y a une insatisfaction profonde sur le fonctionnement de notre démocratie. Cette défiance explique le succès des discours antisystème. Ces discours sont portés, avec des registres différents, par les deux candidats finalistes du second tour. Emmanuel Macron critique le corporatisme et le non renouvellement de la classe politique. Avec Marine Le Pen, la critique est plus large puisqu'elle englobe dans le « système » à la fois les partis politiques mais aussi les médias, la justice et les institutions européennes. Les Français ont vécu depuis dix ans deux mandats présidentiels, avec des styles politiques différents.  Pourtant, ils ont l'impression que rien n'a changé malgré cette alternance et que leurs problèmes restent entiers. Marine Le Pen se présente comme proche des attentes des gens. Emmanuel Macron est, lui, sur l’idée du renouvellement, de la « bouffée d'oxygène » : une des principales motivations de son électorat. Il se présente comme celui qui pourra débloquer la situation. Le fait pour lui d'avoir une majorité ou pas pour gouverner passe au second plan. S’il ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale, il estime qu’il pourra former des coalitions, comme chez nos voisins européens.

Une analyse fine de la situation politique du pays montre que cette élection présidentielle de 2017 est en fait, plus qu’il n’y parait, source d’innovations et de changements importants.

  1. De nouvelles formes d’organisations politiques sont apparues. En Marche ! lancé en avril 2016 par Emmanuel Macron est tout à fait symptomatique d’une nouvelle génération d’organisations politiques que la science politique qualifie de « parti entreprise ». Le phénomène apparaît avec la candidature du milliardaire Ross Perot en 1992 et 1996, à l’élection présidentielle américaine. De tels mouvements fondés par une personnalité n’ayant pas de passé politique ont suivi. Forza Italia créé en 1994 par Silvio Berlusconi, l’Action des citoyens mécontents (2011) de l’entrepreneur tchèque, Andrej Babis, la Team Stronach fondée en 2012 par l’industriel austro-canadien Franck Stronach ou encore Scelta Civica (2013) de Mario Monti sont autant d’expressions de ces « partis entreprises ».

    En même temps nos démocraties ont vu fleurir des organisations très articulées sur le web et qui ont donné naissance parfois à des mouvements politiques puissants : Cinque Stelle de Beppe Grillo en Italie, Ciudadanos en Espagne…

    En mêlant l’horizontalité de ces mouvements adaptés aux réseaux du web et la verticalité du « parti entreprise», le mouvement En Marche ! a inventé une organisation politique d’un nouveau type. Il reste à savoir quelle sera sa longévité politique ainsi que sa capacité à encadrer de manière stable des électeurs. Aux élections législatives de juin prochain, nous aurons les premiers éléments de réponse à ces interrogations.
     

  2. Nous avons assisté au rejet des deux partis de gouvernements : le PS et LR. Le « dégagisme » a frappé successivement François Hollande, Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, Manuel Valls, les trois derniers ayant été doublés par des outsiders aux primaires de LR et du PS.
     
  3. Le bruit de la dénonciation de la médiocrité de la campagne électorale cache le fait que des idées novatrices ont été avancées par les candidats. Je prends de Mélenchon la réforme des institutions vers une démocratie parlementaire et participative, de Hamon la réforme des minima sociaux, qui ne constitue en rien un « revenu universel » mais représente une réelle avancée en termes de simplicité, de Macron la retraite à points, plus égalitaire et responsabilisante, ainsi que l'investissement dans la formation professionnelle, un élément clef pour accompagner la révolution schumpétérienne que nous vivons, de Fillon la réduction des effectifs de la fonction publique, l'inversion de la hiérarchie des normes dans le droit du travail, ainsi que l'autonomie des écoles, qui permettra d'introduire dans l'éducation publique une vraie diversité pédagogique adaptée aux contextes locaux, de Le Pen la refonte du régime des indépendants et l'inscription de la protection des données personnelles parmi les libertés fondamentales. Seulement voilà, le système oblige à choisir le candidat dans sa globalité, avec son lot de contradictions et de promesses démagogiques. Un tel disfonctionnement n'est pas une fatalité. Après la disparition des grands partis, désormais actée, viendra le temps de sacrifier l'homme politique lui même, obsolète. La désintermédiation numérique doit partir à l’assaut de la représentativité politique. L’électeur désire composer ses choix politiques sur mesure. La réinvention démocratique doit faire l’objet de réflexions et d’expérimentations. On peut s’inspirer des principes de la « démocratie délégative » imaginée au tournant du siècle par un chercheur américain. Elle permet à chacun de porter sa voix sur un « délégué » en fonction des sujets traités et de la lui retirer à tout moment. Au lieu d'élections à dates fixes, on verrait donc se constituer une agrégation de délégués déléguant eux-mêmes leurs voix à des super délégués et ainsi de suite jusqu'à constituer des corps législatifs à taille humaine, arithmétiquement fidèles aux opinions de l'ensemble des citoyens. On peut imaginer l’aide de la blockchain pour assurer la fluidité et la sécurité du système.

La classe politique a besoin, par secteurs d’activités, de l’appui des Thinktanks de la société civile. 

 

 

 


< Revenir à la newsletter

Auteur: 
Christophe DUBOIS-DAMIEN Administrateur de Forum ATENA. Président de l’Atelier Intelligence économique

Ajouter un commentaire

Full HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Vous pouvez utiliser du code PHP. Vous devrez inclure les tags <?php ?>.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <cite> <blockquote> <code> <ul> <ol> <li> <dl> <dt> <dd>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.