Jean-Éric Aubert, Cultures et systèmes d’innovation, Presses des Mines

Jean-Éric Aubert, Cultures et systèmes d’innovation, Presses des Mines, Avril 2017 (142 pages, préface de Thierry Gaudin) - Les trajectoires de développement économique et social des nations sont, à l’évidence, durablement contrastées et divergentes. S’il en est ainsi c’est qu’elles sont sous l’influence de facteurs culturels puissants. L’importance de la culture – les manières de penser et de faire -- propre à une société donnée est particulièrement déterminante de ses capacités d’innovation technologique et de développement industriel.

C’est ce que montre cet ouvrage dans lequel l’auteur, s’appuyant sur un métier de conseil en politique d’innovation exercé au sein d’organisations internationales, aborde des dizaines de pays de tous niveaux de développement dans un tour du monde, allant des économies développées de l’OCDE aux pays les plus pauvres, en passant, entre autres, par les BRIC et le monde Arabe.

L’auteur, restituant ses expériences de terrain, donne à voir les problématiques innovatrices auxquelles les pays sont confrontés, les forces culturelles et mentales à l’œuvre, les mesures de politiques proposées, et les évolutions à long terme des économies en question. Le recul historique est ici particulièrement intéressant – la plupart des missions décrites ayant eu lieu dans les années 1980-2010  --, car il permet de rendre compte de la trajectoire effectivement réalisée, loin de toute projection purement spéculative.
La compréhension des cultures et de leurs influences sur les processus et politiques d’innovation repose sur l’observation de détails, allant des données statistiques jusqu’aux jeux des acteurs en passant par des petites choses de la vie quotidienne, comme l’illustre une journée de diagnostic en Irlande contée au début du livre, qui commence par l’analyse d’un papier de sucre au petit déjeuner. 

Ainsi se dégage progressivement une perception des cultures sous la forme de traits récurrents et d’ensembles cohérents qui imprègnent la vie des organisations, des entreprises, des écoles, des laboratoires, etc. Ces cultures ont été forgées au fil de l’histoire et s’enracinent dans des données anthropologiques : structures familiales, inclinaisons religieuses, dispositions linguistiques, etc.  

Ces analyses rejoignent celles de Philippe d’Iribarne sur les valeurs nationales qui transparaissent à travers la gestion des entreprises (voir par exemple La Logique de l’honneur, le Seuil, 1989 ; Penser la diversité du monde, Le Seuil, 2008). Elles s’appuient aussi sur des études comparatives, telles que proposées par Gert Hofstdede (voir en français, Daniel Bollinger, Les Influences culturelles dans le management, Editions d’Organisation, 1988), et Richard Lewis (When Cultures Collide, Nicholas Braidley International, 2006). 

La France, dont l’analyse des performances et des faiblesses fait l’objet d’un chapitre, se caractérise comme un pays d’  « individualisme protégé », surplombé par un État omniprésent, une situation qui contraste avec les sociétés anglo-saxonnes évoluant dans un « individualisme exposé » et les sociétés rhénanes évoluant dans un « individualisme coopératif ». D’où des processus de sclérose et d’ossification qui conduisent à des blocages sérieux et des adaptations douloureuses, en dépit de capacités scientifiques, techniques et industrielles manifestes dans plus d’un secteur.

Ainsi la politique d’innovation est-elle dans une position inconfortable et difficile. Il s’agit, pour les gouvernements de faire « bouger » des façons de penser et de faire, des mentalités et des pratiques, en étant eux mêmes sous l’influence des cultures en question et des institutions qui en assurent la perpétuation. Les choses se compliquent encore dans la mesure où la politique d’innovation tend à être confinée dans un secteur particulier de l’action gouvernementale – par exemple l’appui aux nouvelles technologies ou aux créations d’entreprise --, alors qu’elle doit agir sur un « climat » plus général, et peut (et doit) concerner les conditions économiques d’ensemble, les dispositifs administratifs, l’aménagement des systèmes éducatifs, etc.

En définitive, l’amélioration du « climat  de l’innovation » dans une société donnée ne peut pas faire l’économie d’une auto analyse par tous les groupes concernés, partout où cela peut faire sens : dans les ministères, les entreprises, les écoles, etc. Pour comprendre les forces et faiblesses du peuple qu’ils constituent, et les conditions d’expression de son génie et de sa créativité. 

 

 

 

 


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