La protection du secret des affaires, nécessité économique ou atteinte à la liberté d’informer ?

Protéger son information sensible pour permettre à son savoir-faire et à ses efforts d’innovation de porter leurs fruits, quoi de plus naturel pour un grand groupe ou pour une PME ? N’est-ce pas le devoir de la France et de l’Europe de garantir, encadrée par des lois, la protection du secret des affaires ?

D’un autre côté, les journalistes d’investigation, les sources par lesquelles ils obtiennent leurs informations, les lanceurs d’alertes, et même le simple citoyen n’ont-ils pas aussi droit à la protection de la loi pour pouvoir agir en toute sécurité et sans subir des conséquences fâcheuses en dommages et intérêts, et même en amendes et privation de liberté, pour avoir révélé des informations qui déplaisent aux sociétés ciblées ?

Je ne suis pas juriste, je donne juste une information en essayant de rester neutre sur les directives françaises sur la protection du secret des affaires qui ont été évacuées des lois Macron au début de l’année 2015, et qui peuvent revenir par le Parlement européen, où elle sont discutées, pour ensuite être appliquées aux différents pays de l’Union européenne.

L’état protège ses données sensibles. Quand elles sont classées « confidentiel défense » ou « secret défense » ou plus encore, en prendre connaissance quand on n’a pas le « besoin d’en savoir », et pire les divulguer, exposent à de lourdes peines. La notion de « confidentiel société » n’existant pas aujourd’hui dans la loi, du moins en France, prendre connaissance et divulguer des données sensibles d’une société n’est passible d’aucune sanction pénale. Comment alors lutter efficacement contre l’espionnage économique qui frappe toutes nos entreprises et menace notre économie ?

Les brevets d’invention, les marques commerciales, les modèles, les images peuvent être confiées à l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle). Dès lors elles sont protégées. Mais ni l’INPI, ni les lois relatives à la protection de la propriété intellectuelle ne protègent les informations commerciales non divulgués et les secrets économiques comme ceux qui ont trait à une fusion/acquisition, à un plan social, à des vols de comptes clients, à des fraudes fiscales et à toute autre information qui échappe aux critères de protection de l’INPI ou des lois qui protègent la propriété intellectuelle.

Un employé a un devoir de loyauté envers l’employeur à qui il est subordonné. Il a des obligations de confidentialité sur des informations sensibles dont il a pu avoir pris connaissance dans le cadre de son travail. Il peut être astreint à une clause de non concurrence avec son entreprise, quand il démissionne. La charte de sécurité de l’entreprise et le contrat de travail de l’employé protègent ainsi en partie l’entreprise d’une fuite d’informations sensibles. Mais aucun article du droit pénal, à ma connaissance, ne sanctionne une fuite d’information dont une personne, qui n’est tenue par aucune obligation vis-à-vis d’une entreprise, peut avoir pris connaissance.

Et c’est là qu’une loi sur le secret des affaires peut apporter une solution pour protéger le patrimoine informationnel et la capacité d’innovation d’une entreprise.

Mais les choses ne sont pas si simples.

Que deviendrait la liberté d’un journaliste, dont le métier est de chercher des informations non divulguées par une entreprise, s’il risque de lourdes amendes et des peines de prison ? Sans compter les dommages et intérêts, réclamés par l’entreprise, qui peuvent atteindre des sommes considérables, et les frais de justice quand le journaliste divulgue ses informations et cause un préjudice à une entreprise qui porte plainte contre lui. Pourrait-t-il continuer à exercer son métier dans les conditions garanties par le droit à la liberté d’expression et d’information de la presse, en toute sérénité, hors d’atteinte d’une loi qui serait liberticide ?

Que deviendrait la liberté d’expression d’une personne, employée ou pas par l’entreprise, qui serait au courant d’une information pouvant révéler par exemple un danger, comme les effets secondaires, non avoués d’un nouveau vaccin, ou les dangers d’un détergeant, ou d’un appareil électromagnétique, sur l’environnement et la santé ? Cette personne qui n’est pas journaliste, n’a-t-elle pas aussi le devoir d’alerter ses semblables ? Doit-elle au contraire choisir de se taire, plutôt que d’agir dans l’intérêt public, pour éviter les ennuis et permettre à la société protégée par le secret des affaires, d’engranger des bénéfices pour distribuer des dividendes à ses actionnaires ?

Informer deviendra-t-il un délit parce qu’on voudrait trouver une solution, encadrée par une loi pénale, à l’espionnage industriel entre entreprises et entre nations ?

Bien sûr, dans une loi sur la protection du secret des affaires, il pourrait être prévu des exceptions pour les journalistes, pour les lanceurs d’alerte, et pour d’autres catégories d’individus à définir… Mais il faudrait aussi prévoir des exceptions pour la révélation de l’existence de produits dangereux pour la santé publique, de falsifications financières nuisibles pour l’économie d’une région, pour des tentatives de corruption pouvant atteindre l’image d’un pays, et pour d’autres choses encore …

Non ce n’est vraiment pas simple d’instituer une loi sur le secret des affaires.

Pour permettre à nos lecteurs d’y voir plus clair sur ce sujet explosif et très d’actualité, le Cercle d’Intelligence Economique du Medef Ile-de-France, en partenariat avec Forum ATENA, organise un grand évènement sur le secret des affaires, le lundi 19 octobre après midi à Paris. Renseignements, agenda et inscriptions sur : http://archives.forumatena.org/la-protection-du-secret-des-affaires

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Auteur: 
Gérard Peliks, Président de l'Atelier Sécurité & Vice-Président de Forum ATENA