Jusqu’où ira le « peer to peer » ?

Le « peer to peer » a bien grandi depuis que son usage était symbole d’échanges non contrôlés de fichiers de musique ou de vidéo au grand dam des éditeurs traditionnels. Il est aujourd'hui au cœur de plateformes économiques et, accompagné de chiffrements et de base de données réparties, pointe son nez dans la finance  les consultations démocratiques.

Les voies de la voix

Un descendant direct des logiciels de partage a remis en question l’architecture à la fois  centralisée et hiérarchique de la téléphonie classique avec des applications comme Skype. Le métier qui consiste à mettre en relation directe deux individus pour l’échange d’un fichier n’est pas éloigné de celui qui consiste à connecter deux abonnés téléphoniques. Là où la téléphonie classique et ses déclinaisons en téléphonie sur IP s’appuient sur des centraux téléphoniques pour établir une voie pour la voix, la téléphonie sur Internet à la mode Skype s’en remet à la puissance de calcul proposée par l’interconnexion des machines des abonnés pour échanger les adresses IP. Ce qui permet, avantage premier, de ne pas avoir à investir dans du gros matériel. Chaque nouvel abonné vient avec son processeur, sa bande passante et son disque dur muni de la précieuse application de téléphonie. Avantage second : un doublement du nombre d’abonnés se fait sans effort, chaque nouvel abonné apportant ses propres ressources de calcul, alors que la téléphonie classique est amenée à installer et à interconnecter de nouveaux centraux téléphoniques. Et en cas de baisse, la puissance de calcul s’adapte. Aller, un troisième avantage. La téléphonie sur Internet s’affranchit des limites ancestrales à 3400 Hz. La voix du correspondant semble alors très proche.

Economie collaborative

L’économie collaborative est un terrain de choix pour le « peer to peer ». Le principe de base est là aussi une mise en liaison directe des intervenants, particuliers ou professionnels. Si Internet offre une plate-forme bien adaptée, le système existe depuis longtemps : échange de taille de haie contre baby-sitting, covoiturage, vide grenier, dépôt-vente ou autres services. Plus des trois quarts du volume des échanges en économie collaborative se passerait d’Internet. Mais aujourd’hui le commerce entre pairs apprécie des plateformes de mise en relation telles que « Le bon coin », eBay, Priceminister ou Seloger.com qui se rémunèrent par la publicité ou par cotisation. Ce sont les usagers qui choisissent leur partenaire. A ce niveau apparait également un mécanisme nouveau : les notations. Acheteurs comme vendeurs distribuent et reçoivent des appréciations sur le bon déroulé de la transaction. Ce paramètre  apporte régulation et confiance, mais également difficultés d’entrée pour les nouveaux venus voire stress pour ceux qui sont notés.

Uber

Nouvelle étape : les plateformes ne se contentent pas de suggérer des mises en relation mais elle les décide. C’est ce qu’on retrouve chez Uber où un algorithme – que dis-je, l’Algorithme avec un « A » majuscule – apparie lui-même consommateur et chauffeur indépendant. La machine ne remplace pas le l’homme, non, elle en devient son chef ! L’algorithme s’octroie une prérogative  supplémentaire et majeure : la fixation dynamique des prix après analyse d’historiques, de marchés concurrents, de la loi de l’offre et la demande à l’instant « T » au lieu « L » et probablement d’autres éléments jalousement gardés secret. Les chauffeurs ont comme avantage la liberté et l’indépendance. Ils définissent les moments où ils souhaitent travailler, ils n’ont pas de patron, mais ils suivent les consignes strictes de l’Algorithme et gèrent eux-même leur véhicule, leurs cotisations sociales et leurs assurances.

La ville de Helsinki en Finlande vient de fermer fin 2015 « Kutsuplus », un service analogue à Uber à ceci près qu’il était constitué d’une flotte de bus appartenant à la commune et de chauffeurs salariés. L’usager enregistrait son trajet sur son smartphone et un algorithme développé localement par la start-up Ajelo choisissait le bus qui adaptera son itinéraire pour assurer la course. Fermeture faute de pouvoir lutter à déficit égal contre Uber et ses pertes proches du milliard de dollars sur les six premiers mois de 2015 (theinformation.com/ubers-losses-grow-but-so-do-its-profit-projections). Une solide trésorerie alimentée entre autres par Google, Amazon ou Goldman Sachs est au service d’une stratégie dont la phase première est la conquête de toutes les parts de marché.

Blockchain

Autre percée du « peer to peer » : la blockchain. C’est un livre enregistrant toutes les transactions. Le plus de la solution est l’apport de la confiance par l’utilisation d’une base de données réparties entre les utilisateurs, le chiffrement des écritures et l’authentification des intervenants. La blockchain apporte la confiance aux transactions en « peer to peer ». On ne sait pas aujourd’hui lister toutes les applications potentielles, mais il est par exemple au cœur de la monnaie bitcoin et propose un mécanisme de vote fiable.

Recommandations

Le premier ministre a commandé au député de l’Ardèche Pascal Terrasse un rapport sur le développement de l’économie collaborative. On y retrouve entre autres dix-neuf recommandations abordant des thèmes tels que la confiance, la fiscalité ou la protection sociale des indépendants. Les statuts de commerçants professionnels ou occasionnels y sont définis.

Alors, jusqu'où ?

Me voilà pris au piège : je ne sais pas répondre à la question posée ...
Ce qui semble acquis, c'est que le modèle "peer to peer" allège sensiblement les architectures et que associé à des mesures de chiffrement et de base de données réparties propres à amener la confiance accède en plus de la vie quotidienne aux mondes de la finance de la monnaie ou de la politique.
 
 
 

< Revenir à la newsletter

Auteur: 
Jacques Baudron - Secrétaire adjoint Forum ATENA - jacques.baudron @ ixtel.fr

Ajouter un commentaire

Full HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Vous pouvez utiliser du code PHP. Vous devrez inclure les tags <?php ?>.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Filtered HTML

  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Tags HTML autorisés : <a> <em> <strong> <cite> <blockquote> <code> <ul> <ol> <li> <dl> <dt> <dd>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.

Plain text

  • Aucune balise HTML autorisée.
  • Les adresses de pages web et de courriels sont transformées en liens automatiquement.
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.